Lauréat du Bram Stoker Award dans la catégorie meilleur roman pour jeune adulte en 2020, Clown in a Cornfield d’Adam Cesare semblait destiné à être adapté sur grand écran tant cette ode littéraire au genre du slasher suinte le cinéma. Chose promise, chose due avec La Nuit des clowns, qui remplit amplement le cahier des charges de ce sous-genre du cinéma d’horreur avec son lot d’adolescents clichés, de meurtres sanguinolents et de mystères à peine voilés. Pourtant, Eli Craig parvient à insuffler au film un côté loufoque qui avait déjà fait les beaux jours du cinéaste dans Tucker et Dale fightent le mal, en 2010. Flirtant parfois avec la comédie, La Nuit des clowns opère toutefois un pas de côté en proposant une critique de l’Amérique profonde, renfermée et conservatrice, à travers la figure de ses clowns tueurs.
En quête d’un nouveau départ, Quinn (Katie Douglas) et son père (Aaron Abrams) s’installent dans la petite ville de Kettle Spring. Ils y découvrent une communauté fracturée, faisant face à l’incendie de l’usine locale. L’adolescente fait rapidement la connaissance de Frendo le Clown, la mascotte du coin, célébrée chaque été lors d’une grande fête en son honneur. Les célébrations tournent au cauchemar quand des adolescents commencent à disparaître, rendant bien réelles les légendes qui circulent autour de Frendo.
Les gags visuels, le gore presque absurde et quelques lignes de dialogue bien placées donnent un rythme nouveau au long-métrage, qui devient presque une sorte de duel entre les clowns tueurs et les adolescents désespérés
Contrairement à Scream, film semi-meta de Wes Craven où chaque cliché du genre du slasher est volontairement respecté pour illustrer la mise en abîme du film, La Nuit des clowns se veut plus classique. On y suit bel et bien une jeune fille, qui découvre que de mystérieux tueurs masqués en veulent à elle et ses amis, et qui va devoir leur échapper le temps d’une nuit sanglante. Rien de nouveau sous le soleil en apparence, surtout dans la première moitié : aucun (ou trop peu) d’indices dans les dialogues ou la mise en scène nous laissant penser que le cinéaste a conscience de proposer du réchauffé. Des personnages aux lieux en passant par les premières scènes de meurtres, les clichés se succèdent à un rythme saccadé pendant plusieurs dizaines de minutes avant que le film ne décide de réellement proposer quelque chose.
Si Eli Craig semble être en pilotage automatique lorsqu’il s’agit de réaliser un slasher classique, il se démarque en revanche dans la comédie, et La Nuit des clowns ne fait pas exception, du moins passée la première partie du film. Les gags visuels, le gore presque absurde et quelques lignes de dialogue bien placées donnent un rythme nouveau au long-métrage, qui devient presque une sorte de duel entre les clowns tueurs et les adolescents désespérés. On en oublie presque les clichés, qui deviennent désormais des prétextes à la comédie. Cette dernière, omniprésente mais jamais trop lourde, laisse peu à peu place à un registre plus dramatique.
Isolée au milieu des champs de maïs, Kettle Spring fait office de décor idéal pour tout slasher qui se respecte. Avec son diner à la Twin Peaks, son sheriff misogyne et ses adultes déprimés mais fiers de leurs traditions, la ville s’impose comme le berceau caricatural de l’électeur trumpiste moyen. Eli Craig semble l’avoir bien compris au regard des scènes les plus perturbantes du film, qui ne comportent ni clown, ni hache, ni tronçonneuse, mais bien des adultes blâmant des jeunes de tous leurs maux, et ce en profitant de la complicité – ou du moins de l’inaction – de leurs pairs. Sans être trop profondément orienté vers le drame social, La Nuit des clowns parvient à s’affirmer en tant que slasher sans prétention mais convaincant tout en évoquant le sentiment d’abandon et de repli sur soi d’une partie de l’Amérique rurale.
RÉALISATEUR : Eli Craig NATIONALITÉ : Américain GENRE : Horreur AVEC : Katie Douglas, Carson MacCormac, Aaron Abrams, Will Sasso DURÉE : 1h37 DISTRIBUTEUR : SND SORTIE LE 20 août 2025