Alors que la première saison d’Andor s’achevait sur la révolte de Ferrix et le recrutement de Cassian par Luthen, cette seconde saison est conçue comme une montée tragique vers les événements de Rogue One et s’impose comme l’une des œuvres les plus ambitieuses et les plus sombres de l’univers Star Wars. Cette ultime saison n’a rien d’un baroud d’honneur : elle est une dissection méthodique du prix de la révolte, une tragédie politique où la lutte contre l’Empire n’est ni héroïque, ni glorieuse, mais sale, brutale et profondément humaine.
La construction même de la saison épouse une tension croissante. Découpée en quatre blocs narratifs couvrant les années précédant Rogue One, elle épouse la logique du délitement : celle d’un monde en train de basculer dans une guerre ouverte. Chaque segment explore un territoire, géographique, moral ou idéologique, de la résistance. Cette structure resserrée donne à la saison une densité dramatique rarement atteinte dans la saga. Dès les premiers épisodes, l’ambiance est plus oppressante encore que dans la première saison. Nous n’assistons pas à la naissance d’une rébellion idéale, mais à la fragmentation de groupes, de volontés, de convictions. La série ne cède jamais à la facilité manichéenne : les dissensions internes, les trahisons, les compromis douloureux rythment le récit.
Cassian (interprété par Diego Luna) est au centre, bien sûr, mais jamais en surplomb. Il reste un homme traversé par le doute, l’instinct de survie, et le besoin de croire malgré tout en quelque chose. Son parcours n’est pas une ascension héroïque, mais une descente, lucide et amère, vers la nécessité de l’action. On assiste à la lente érosion de ses illusions, à sa rupture définitive avec l’indifférence. Son évolution n’est jamais appuyée par des discours, mais par des gestes, des silences, des regards. Chaque mission, chaque perte, chaque confrontation l’enfonce un peu plus dans une réalité où il ne pourra plus reculer.
Autour de lui gravitent des figures marquantes, toutes plus ou moins broyées par les circonstances. Pour n’en citer que deux, Mon Mothma (Genevieve O’Reilly), que l’on découvre plus exposée et isolée que jamais, tente de concilier son idéal démocratique avec des alliances de plus en plus troubles. C’est surtout le discours qu’elle porte dans l’épisode 9 qui fait de son personnage un des meilleurs de la saison. Luthen Rael (Stellan Skarsgård), quant à lui, cristallise la face sombre de la révolte : la manipulation et le sacrifice de vies pour l’effet stratégique d’une défaite. Son monologue dans un des derniers épisodes de la première saison, où il assume avoir “brûlé son âme pour un avenir qu’il ne verra jamais”, est d’une intensité rare et est encore mis en valeur dans cette seconde saison. Il incarne la solitude absolue du combattant radicalisé, conscient du coût humain de ses méthodes, mais incapable d’arrêter.
La saison 2 d’Andor confirme la série comme une œuvre à part dans l’univers Star Wars, et plus largement dans le paysage télévisuel contemporain.
Cette saison brille aussi par la subtilité avec laquelle elle représente l’Empire. Ce n’est pas un régime du Mal absolu, mais une machine froide, administrative, parfaitement rodée, où la cruauté est systémique, jamais personnelle. Le massacre de Ghorman est l’exemple le plus glaçant de cette logique : présenté comme une réponse “proportionnée” à une grève pacifique, il est organisé avec la froideur d’un audit. Cette scène, centrale, marque un tournant et fait aussi tomber les derniers doutes chez les hésitants. C’est une scène où le silence hurle, où l’absence d’héroïsme souligne la réalité : l’Empire ne sera pas arrêté par des symboles, mais par des sacrifices.
Ce qui distingue Andor des autres productions StarWars, c’est sa capacité à s’éloigner des codes de la mythologie pour adopter ceux du drame politique. Pas de sabres laser, peu de musique triomphante, aucun sauvetage de dernière minute. Le suspense naît d’écoutes téléphoniques, de rendez-vous manqués, de regards dans la foule. La mise en scène, sobre et tendue, épouse cette logique : les décors sont bruts, les dialogues ciselés, les scènes longues et pesantes. L’univers galactique devient palpable, crédible, presque contemporain dans sa brutalité. La série ose des silences, des lenteurs, des scènes où l’action est moins importante que la tension psychologique.
La conclusion de la saison est sans concession. Cassian rejoint finalement la résistance et devient l’agent que l’on retrouvera dans Rogue One. Mais il le fait sans euphorie, sans feu d’artifice, dans une fatigue profonde. Il sait ce qu’il va perdre, il l’a déjà perdu. Sa révolte n’est pas portée par l’espoir, mais par la certitude qu’il n’a plus le choix. La série se referme ainsi sur une note d’une lucidité bouleversante. La rébellion n’est pas un élan idéaliste, mais un processus d’abandon progressif de soi-même pour une idée que l’on ne verra pas aboutir. Elle exige des sacrifices silencieux, invisibles, parfois même moralement insoutenables.
La saison 2 d’Andor confirme la série comme une œuvre à part dans l’univers Star Wars, et plus largement dans le paysage télévisuel contemporain. Cette dernière saison est à la fois un chant funèbre et un appel à la conscience : elle montre que la liberté ne se gagne pas par des gestes héroïques, mais par des renoncements douloureux.
CRÉATEURS : Tony Gilroy NATIONALITÉ : Américaine GENRE : Science-fiction, Action, Espionnage AVEC : Diego Luna, Stellan Skarsgård, Kyle Soller, Adria Arjona, Genevieve O'Reilly, Denise Gough DURÉE : 12 x 50min DISTRIBUTEUR : Disney + SORTIE LE 22 avril 2025