Dans une rame de métro bondée au Japon, les regards sont rivés sur les écrans des téléphones, les oreilles bouchées par les écouteurs. Au milieu des costumes noirs, une anomalie : une mère et son bébé en pleurs. Si, dans l’espace, personne n’entend les cris, il en va autrement dans les transports en commun. La tension monte sous le regard d’un jeune homme en proie au doute : doit-il intervenir ? Second long-métrage du cinéaste japonais Genki Kawamura, Exit 8 transforme le métro en un purgatoire existentiel, théâtre d’un questionnement intime.
Le jeune homme reste sans voix : son ancienne petite amie est enceinte… et il est le père. Que va-t-il faire ? Accepter l’enfant ? Le rejeter ? Il n’en sait rien, tout ce qu’il sait, c’est qu’il a du mal à respirer et que ce couloir de métro n’en finit pas. Le panneau de la sortie numéro 8 réapparaît inlassablement, tout comme ces affiches. Qu’il aille dans un sens ou dans l’autre, il revient sans cesse au même endroit. Heureusement, un panneau indique comment sortir de cet étrange lieu : il suffit de détecter les anomalies dans les différents couloirs. S’il en voit une, il doit faire demi-tour. S’il se trompe, il est renvoyé à la case départ.
A la jonction entre le minimalisme visuel de Cube et les questionnements de Vivarium, le film de Genki Kawamura est autant un puzzle horrifico-fantastique qu’un récit d’émancipation.
Ce n’est pas un hasard si Exit 8 évoque l’esthétique et la mécanique d’un jeu vidéo : le film est l’adaptation directe d’une courte expérience vidéoludique. Dès l’introduction, filmée à la première personne, on adopte le regard du protagoniste, comme plongé dans le jeu. On observe et entend comme le personnage. Une manière de nous immerger dans le récit et de multiplier les points de vue, la caméra finissant par se détacher du personnage. Le film s’amuse avec notre curiosité et cultive ses effets, entre tension et révélation. Si les premiers niveaux sont faciles, arriver jusqu’au huitième n’a rien de simple : à mesure qu’il avance, le l’espace liminal s’infiltre dans l’intimité du jeune homme, jusqu’à bousculer sa perception du réel. Est-ce que cette personne est réelle ? Cette porte était bien fermée ?
Construit autour de la répétition, Exit 8 est conscient des limites de son concept et parvient, avec plus ou de moins de brio, à échapper à la monotonie. Tout ramène naturellement au chiffre huit, symbole de l’infini : le Boléro M.81 du compositeur français Maurice Ravel, la structure de l’espace liminal ou les informations sur les affiches. A la jonction entre le minimalisme visuel de Cube et les questionnements de Vivarium, le film de Genki Kawamura est autant un puzzle horrifico-fantastique qu’un récit d’émancipation. Le couloir, allégorie de nos ruminations mentales, agit comme un rite de passage, confrontant le personnage aux enjeux de la paternité et de la responsabilité. Au bout du chemin de croix, l’espoir d’une renaissance… et une adaptation très réussie d’un jeu vidéo.
RÉALISATEUR : Genki Kawamura NATIONALITÉ : Japon GENRE : Epouvante-horreur AVEC : Kazunari Ninomiya, Yamato Kôchi, Naru Asanuma DURÉE : 1h35 DISTRIBUTEUR : ARP Sélection SORTIE LE 3 septembre 2025