Thomas Ngijol, acteur et réalisateur d'Indomptables.

Indomptables : l’enquête d’un homme, les maux d’un pays

De la comédie au film policier, il n’y a parfois qu’un pas. C’est ce que prouve Thomas Ngijol avec Indomptables, sa nouvelle réalisation où il incarne un inspecteur de police inflexible plongé au cœur d’une enquête qui nous dévoile les problématiques traversant la société camerounaise. Pour son quatrième long-métrage, présenté en compétition à la Quinzaine des Cinéastes en 2025, le cinéaste et humoriste s’est inspiré du documentaire Un crime à Abidjan, portrait filmique de la Côte d’Ivoire et de ses habitants à travers une enquête policière et dans l’œil de Mosco Levi Boucault. À l’instar de ce dernier, Thomas Ngijol dépeint les mutations et les difficultés d’un pays à travers le parcours d’un homme qui doit rendre des comptes aussi bien dans sa sphère familiale que professionnelle. Loin d’être sans défauts, Indomptables reste une tentative réussie de la part du réalisateur de Case Départ et Fast Life de s’éloigner du registre comique pour une proposition de cinéma au ton plus grave. 

À Yaoundé, le commissaire Billong (Thomas Ngijol) enquête sur le meurtre d’un officier de police. Dans la rue comme au sein de sa famille, il peine à maintenir l’ordre. Homme de principe et de tradition, il approche du point de rupture.

À travers cette enquête, Thomas Ngijol montre les dysfonctionnements de la société citadine camerounaise : l’insécurité grandissante, la corruption au sein de la police ou encore le manque de moyens au sein des services publics.

“Choisir entre laisser la violence perdurer ou l’exercer soi-même… Quelqu’un doit bien faire le boulot”, se justifie Billong au beau milieu de son enquête, alors que les actions violentes de ses hommes sont comparées à celles des malfaiteurs qu’ils essayent d’attraper. Ce n’est pas le déroulé haché et arbitraire de l’enquête qui frappe le plus dans Indomptables, mais bien la violence omniprésente tout au long de celle-ci et même en dehors. On la retrouve au cours des interpellations soudaines, des interrogatoires musclés ou d’une manière plus insidieuse au domicile de l’inspecteur de police, qui exerce une autorité de fer sur ses enfants. La figure paternaliste de Billong, sorte d’ersatz de l’inspecteur Harry, plane au-dessus de quasiment chaque scène. En éduquant ses enfants comme il traite avec les criminels, le protagoniste cherche à maintenir le contrôle sur des situations qui lui échappent de plus en plus, à l’image d’un gouvernement camerounais qui, dans le film, fait l’objet de critiques de plus en plus acerbes de la part de la population. 

À travers cette enquête, Thomas Ngijol montre les dysfonctionnements de la société citadine camerounaise : l’insécurité grandissante, la corruption au sein de la police ou encore le manque de moyens au sein des services publics. Au milieu de tout cela, le personnage de Billong tente de trouver les solutions les plus réglementaires pour faire respecter la loi, tout en cautionnant des excès de violence banalisés qui déteignent sur le cercle familial, comme le symptôme d’une maladie qui touche un pays dans son ensemble et qu’il faut traiter directement à la source. Sans apporter de remède concret, le film propose des pistes de solutions : resserrer les liens, rétablir la confiance avec ses proches, à l’image du père mettant petit à petit son ego de côté pour reprendre contact avec sa fille. 

Si l’on comprend rapidement que l’enquête policière n’est qu’un prétexte pour évoquer d’autres sujets plus vastes, on peut regretter que le film jongle constamment entre plusieurs thématiques sans toujours aller au fond des choses. Les tensions familiales, le rôle ambigu de la police ou encore l’excessive sévérité de Billong restent trop souvent sans conséquences concrètes, même si elles sont accompagnées d’une mise en scène propre mais efficace. En plus de donner au Cameroun et à ses paradoxes une place de choix sur la Croisette, Indomptables nous laisse à rêver à un futur prometteur pour Thomas Ngijol dans un registre où on ne l’attendait pas forcément.

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RÉALISATEUR : Thomas Ngijol
NATIONALITÉ : France/Cameroun
GENRE : Policier
AVEC : Thomas Ngijol, Danilo Melande, Bienvenue Mvoe, Thérèse Ngono, Ariana Ntomba
DURÉE : 1h21
DISTRIBUTEUR : Pan Distribution
SORTIE LE 11 juin 2025