Les Musiciens : viens voir les musiciens

Dans les films américains ou même asiatiques, les films standards sont plutôt des films de genre, de mafia ou de yakuzas, dénués de références culturelles. Si on recherche l’équivalent actuel dans le cinéma français, on tombe sur l’inverse : des comédies débordant de références culturelles, comme si la culture était la plus-value absolue, le meilleur argument scénaristique des films européens et surtout français. C’était le cas du Tableau volé, des Règles de l’art, et aujourd’hui des Musiciens : après la peinture, la musique, ainsi que la littérature, lorsque l’adaptation des romans d’Alexandre Dumas a été conçue par exemple en réponse à l’invasion des Marvel Movies. Mais attention, il s’agit de comédies haut de gamme, loin de toute médiocrité vulgaire et populiste, et s’appuyant sur un réel travail de recherche documentaire sur l’univers présenté. Après L’air de rien, un road-movie sur un duo improbable, et Les Parfums sur le monde de la parfumerie, Grégory Magne poursuit dans l’exploration d’un corps de métier et à travers une comédie finement et subtilement écrite, signe sans doute son meilleur film, un hymne à l’art de la musique, aux musiciens et à la réconciliation du vivre-ensemble.

Astrid Thompson parvient enfin à réaliser le rêve de son père qui vient de disparaître : réunir quatre Stradivarius pour un concert unique attendu par les mélomanes du monde entier. Mais Lise, George, Peter et Apolline, les quatre virtuoses recrutés pour l’occasion, sont incapables de jouer ensemble. Les crises d’égo se succèdent au rythme des répétitions. Sans solution, Astrid se résout à aller chercher le seul qui, à ses yeux, peut encore sauver l’événement : Charlie Beaumont, le compositeur de la partition.

A travers une comédie finement et subtilement écrite, un hymne à l’art de la musique, aux musiciens et à la réconciliation du vivre-ensemble.

Grégory Magne choisit une voie assez originale et relativement exigeante à un quatuor de musique classique, sujet a priori peu vendeur et s’adressant à des happy few. A la fois film d’auteur, soigneusement écrit par ses soins, et comédie grand public, s’adressant à tout spectateur, sans recourir à des facilités dramatiques, Magne emprunte une ligne ténue qui peut l’emmener vers un grand succès. Il rend dans ce film un bel hommage à la musique comme lien artistique ultime entre des êtres humains plus que dissemblables. Il en fait la métaphore de l’harmonie d’un vivre-ensemble sans cesse fuyant et toujours pourtant recherché.

Cette métaphore fonctionne pour tout groupe social humain, en entreprise, voire dans le monde du cinéma. En effet, « il ne suffit pas d’avoir quatre bons musiciens pour faire un bon quatuor, ça se saurait », tout comme il ne suffit pas d’avoir quatre grandes stars pour faire une bonne distribution dans un film, ou dans une équipe de football, nous avons pléthore d’exemples contraires. L’essentiel, c’est la complémentarité, et le savoir-vivre ensemble, et non pas empiler les soi-disant meilleurs qui ne peuvent se supporter, par faute d’égos meurtris, frustrés et insatisfaits. C’est que montre Les Musiciens, avec son quatuor désaccordé : le premier violon, enfant gâté, toujours à mettre en avant son ego, le second violon, raide comme la justice, ayant été en couple, avec la violoncelliste, dans une histoire d’amour qui s’est mal terminée, et la jeune altiste, en quête de reconnaissance permanente sur les réseaux sociaux.

L’excellente idée du film est d’avoir donné ces rôles à de véritables musiciens qui permettent d’incarner leurs personnages avec la crédibilité suffisante : Mathieu Spinosi est ainsi excellent dans son rôle de premier violon foncièrement brillant et antipathique, idem pour Emma Ravier qui, pour sa première prestation au cinéma, s’en donne à coeur joie en altiste ne cessant de poster sur les réseaux sociaux. Face à une Valérie Donzelli, magnifique mais volontairement en retrait, c’est Frédéric Pierrot, en compositeur lunaire, qui s’impose par l’imprévisibilité de son jeu, en sachant rappeler les valeurs fondamentales de l’art et de la vie aux musiciens du quatuor.

Au passage, Grégory Magne n’hésite pas à égratigner les caprices des financiers et l’instabilité des réseaux sociaux. Certes le film pèche légèrement par le caractère inévitable de son issue et le côté caricatural de certains personnages qui finissent par s’humaniser au fur et à mesure du long métrage, Mais sublimée par la partition de Grégoire Hetzel, excellent musicien, en particulier pour les films d’Arnaud Desplechin, la conclusion du film va tenir toutes ses promesses à l’égard des mélomanes et autres fans de cinéma.

3.5

RÉALISATEUR : Grégory Magne
NATIONALITÉ :  française
GENRE : comédie, comédie dramatique
AVEC : Valérie Donzelli, Frédéric Pierrot, Mathieu Spinosi, Emma Ravier, Daniel Garlitsky, Marie Vialle
DURÉE : 1h42 
DISTRIBUTEUR : Pyramide Distribution 
SORTIE LE 7 mai 2025