Incontestablement, le film de genre réveille les jeunes cinéastes français. Depuis une dizaine d’années, le film fantastique ou d’horreur inspire les scénaristes et les metteurs en scène : Julia Ducournau (Grave, Titane), Hubert Charuel (Petit Paysan), Just Phillipot (La Nuée), Thomas Cailley (Les Combattants, Le Règne animal), Coralie Fargeat (Revenge, The Substance)… Cette source d’inspiration renouvelle de fond en comble le cinéma français qui s’était souvent abreuvé à la fontaine du réalisme littéraire, balzacien ou simenonien. Après un « film de fantômes », Les Héros ne meurent jamais, présenté en séance spéciale à la Semaine de la Critique, Aude Léa Rapin souhaite s’inscrire dans cette mouvance, en filmant un univers dystopique où l’Etat enfermerait les activistes dans une bulle virtuelle, une prison sous la forme d’une île.
France, 2039. Une nuit, des activistes traqués par l’Etat, disparaissent sans laisser aucune trace.Julia Bombarth se trouve parmi eux. A son réveil, elle se découvre enfermée dans un monde totalement inconnu : PLANÈTE B.
Ce qui aurait pu constituer la matière scénaristique exceptionnelle d’un film ou d’une série des Wachowski, Cloud Atlas ou Sense8, reste à l’état d’intention, sans jamais prendre vie. N’est malheureusement pas Coralie Fargeat ou Julia Ducournau qui veut.
Pour Les Héros ne meurent jamais, l’appellation « film de fantômes » est entourée de guillemets car ce film possède l’étrange particularité de ne jamais parvenir à nous faire croire en ses personnages et en la possibilité de fantômes qui serait pourtant la clé de son intrigue. Sur le papier, Planète B s’annonçait nettement mieux : une fiction dystopique sur des activistes écologistes emprisonnés sur une île. Ce prétexte scénaristique pouvait évoquer la partie futuriste de Cloud Atlas des Wachowski ou encore un mélange de Truman Show, Lost ou Le Prisonnier.
Hélas, trois fois hélas, passées vingt minutes, l’on s’aperçoit avec tristesse que cet univers d’anticipation souffre du même déficit d’incarnation que Les Héros ne meurent jamais. De l’île, loin d’évoquer les rivages de Lost ou Le Prisonnier, on ne verra qu’une maison isolée et un bout de plage, faute peut-être à l’absence d’un budget conséquent. Des tribulations des deux héroïnes, hormis un bref moment de retrouvailles, l’émotion ne surgira quasiment jamais, car la croyance en cette cohabitation d’univers ne va jamais de soi, contrairement ce qui se passe dans la plupart des films de Denis Villeneuve, pour citer un des cinéastes avec lequel a tourné Souheila Yacoub.
Pourtant Aude Léa Rapin brasse quantité de thèmes passionnants, avec une conscience politique irréprochable : l’engagement écologique suite à l’échec des accords de Paris, la surveillance d’un Etat policier, la création d’un métavers qui permettrait de se débarrasser des activistes gênants, etc. Mais ce qui aurait pu constituer la matière scénaristique exceptionnelle d’un film ou d’une série des Wachowski, Cloud Atlas ou Sense8, reste à l’état d’intention, sans jamais prendre vie. N’est malheureusement pas Coralie Fargeat ou Julia Ducournau qui veut.
D’Adèle Haenel, Aude Léa Rapin est passée à Adèle Exarchopoulos qui, en raison de la similitude de prénoms, est sans doute la comédienne qui a le plus bénéficié de l’absence volontaire de sa collègue. Pourtant, Exarchopoulos, comédienne formidable, capable de faire fructifier tout bon film, se révèle impuissante, comme Gene Hackman ou Nick Nolte, des natures comme elle, à sauver des films qui auraient besoin de son talent. C’est sans doute pour cela que Planète B reste un peu exsangue, comme un corps abandonné, inerte sur une plage anonyme.
RÉALISATRICE : Aude Léa Rapin NATIONALITÉ : française GENRE : science-fiction AVEC : Adèle Exarchopoulos, Souheila Yacoub, India Hair, Marc Barbé DURÉE : 1h58 DISTRIBUTEUR : Le Pacte SORTIE LE 25 décembre 2024