Skyfall : tout recommence, tout est désormais possible

Après le reboot réussi et inespéré de la franchise par Casino Royale, Quantum of Solace avait fait l’effet d’une douche froide. Le premier avait pour ainsi dire trop d’atouts dans son jeu. Pour les cinquante ans de James Bond, la franchise méritait mieux qu’un nouveau Quantum of Solace peu inspiré. Barbara Broccoli et Michael G. Wilson misaient gros sur Skyfall et son metteur en scène, Sam Mendes, venu du cinéma d’auteur (American Beauty, Les Noces rebelles). Un coup gagnant!

Lorsque la dernière mission de Bond tourne mal, plusieurs agents infiltrés se retrouvent exposés dans le monde entier. Le MI6 est attaqué, et M est obligée de relocaliser l’Agence. Ces événements ébranlent son autorité, et elle est remise en cause par Mallory, le nouveau président de l’ISC, le comité chargé du renseignement et de la sécurité. Le MI6 est à présent sous le coup d’une double menace, intérieure et extérieure. Il ne reste à M qu’un seul allié de confiance vers qui se tourner : Bond. Plus que jamais, 007 va devoir agir dans l’ombre. Avec l’aide d’Eve, un agent de terrain, il se lance sur la piste du mystérieux Silva, dont il doit identifier coûte que coûte l’objectif secret et mortel…

Quantum of Solace commençait une heure après la fin de Casino Royale. Malgré son scénario bâclé, il perpétuait la ligne d’un Daniel Craig en quête de réponses, tourmenté et fragile. James Bond n’est plus ce qu’il était. Il s’interroge sur son âge, sur ses réflexes et ses capacités. Doit-il être encore à l’œuvre face à la dureté de notre univers contemporain? Même s’il n’est pas encore aux commandes de la franchise, c’est manifestement Christopher Nolan qui influence désormais la saga James Bond, lui qui a tant été inspiré par elle (la séquence hivernale de Inception, les gadgets de Lucius Fox dans la trilogie Batman). De lui, viennent sans aucun doute les thèmes d’un héros en dépression et d’une éventuelle retraite anticipée.

Sam Mendes paraît tout d’abord se couler dans les oripeaux du cinéaste d’action classique (l’impressionnante et haletante séquence d’ouverture se terminant par un cliffhanger digne de 24 h chrono). Mais, très vite, le théâtreux revient au galop : ce qui passionne Mendes, ce sont les conflits à deux ou trois personnages, réunissant James Bond, M. (superbe Judi Dench), substitut maternel inavoué pour l’agent 007, et Silva (Javier Bardem, délicieux dans son cabotinage éhonté), fils prodigue qui semble tout droit échappé de la cellule voisine d’Hannibal Lecter.

Les James Bond Girls se retrouvent un peu moins au rendez-vous que ne l’annonçait une promo survendue. Mais c’est pour mieux ménager des surprises intéressantes… Daniel Craig confirme tout le bien qu’on pensait de lui. Sa version du personnage est définitivement l’explication de texte de la version de Sean Connery. Comment James Bond est devenu James Bond, ce type légèrement cynique, qui répond par l’humour ou des décharges de cartouches à ses ennemis, une véritable machine à tuer et à séduire.

    Tout recommence, tout est désormais possible.

Tout comme Casino Royale se passait essentiellement autour d’une table de jeu, Skyfall se concentre sur des intérieurs restreints, une cellule, un tribunal, une maison de campagne… même si le spectacle n’est pas négligé avec une intéressante exploration du métro londonien. Sam Mendes a mis beaucoup d’atouts de son côté : il s’est assuré la collaboration de Thomas Newman, son musicien attitré, qui remplace pour une fois l’inoxydable David Arnold, et celle de Roger Deakins, le directeur de la photographie des frères Coen, qui fait des merveilles lors d’une séquence quasiment abstraite, à base de combattants en ombres chinoises, se passant dans une tour en Asie. On laissera aux exégètes et fanatiques de ce metteur en scène le soin de repérer les liens thématiques existant entre ce blockbuster intelligent et profond et le reste de son œuvre. Mais James Bond ne dépare vraiment pas à côté des désaxés qui peuplent Jarhead ou American Beauty.

Comme dans la quatrième saison de 24 h Chrono ou Batman begins, il s’agit de revenir avec Skyfall aux sources du mythe, de le redéfinir et de le renouveler. Mission accomplie, alors qu’elle paraissait impossible. James Bond repart à zéro. Les trois films, de Casino Royale à Skyfall, constituent une sorte de prologue à toutes les aventures de James Bond, ce qui explique l’absence du Gun Barrel jusqu’à présent. Tout recommence, tout est désormais possible.

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RÉALISATEUR : Sam Mendes 
NATIONALITÉ :  anglaise 
GENRE : action, espionnage, thriller 
AVEC : Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem, Ralph Fiennes  
DURÉE : 2h23 
DISTRIBUTEUR : Sony Pictures Releasing France 
SORTIE LE 26 octobre 2012