Maya, donne-moi un titre : au pays de la petite et espiègle Maya

On craignait que quelque chose ne soit arrivé à Michel Gondry. Depuis 2015, huit ans de silence cinématographique, à peine interrompus par la création de Kidding, la série avec Jim Carrey, étonnaient de la part d’un artiste faisant preuve d’une créativité en apparence inépuisable. Heureusement, en 2023, le cinéaste a fini par donner de ses nouvelles avec Le Livre des solutions, autoportrait en artiste névrosé et bipolaire, extrêmement sincère et touchant, qui ne fit pas l’unanimité. Cette fois-ci, en 2024, il revient avec un film d’animation, Maya, donne-moi un titre, lettre d’amour à sa fille Maya (sans doute appelée ainsi en raison du dessin animé culte Maya l’abeille). La créativité semble être en effet de retour avec Atlantis, film musical prévu en 2025, inspiré par la jeunesse de Pharell Williams. Pour l’instant, Maya, donne-moi un titre, est un film d’animation extrêmement réjouissant, où Gondry renoue avec ses meilleurs moments, montrant que l’imagination se trouve à nouveau chez lui au pouvoir.

Maya et son papa vivent dans deux pays différents. Pour maintenir le lien avec sa fille et continuer à lui raconter des histoires, son papa lui demande chaque soir « Maya, donne-moi un titre ». À partir de ce titre, il lui fabrique alors un dessin animé dont elle est l’héroïne. Car son papa s’appelle Michel Gondry et dispose d’une imagination débordante…

Un film d’animation extrêmement réjouissant, où Gondry renoue avec ses meilleurs moments, montrant que l’imagination se trouve à nouveau chez lui au pouvoir.

Maya, donne-moi un titre, est un film d’animation en papiers découpés où Gondry s’évertue à maintenir un lien, au-delà de la séparation d’un couple, avec sa fille. Un jeu malicieux s’installe donc entre elle et lui, où sur la demande de Maya, il va créer des dessins animés en fonction de chaque titre qu’elle lui donnera. Tout y passe ou presque : Maya arrête un tremblement de terre, Maya et le conconchon, Maya la policière et les trois voleurs, Maya et le hamac, Maya sur un bateau et une bouteille de ketchup, etc., soit une dizaine de courts métrages au total pour une durée totale d’une heure.

Les courts métrages utilisent l’excellente voix off de Pierre Niney qui s’adapte à tous les personnages et lit des textes souvent écrits à l’écran. On attend avec intérêt le second volet où Blanche Gardin prendrait en charge la narration. Entre chaque dessin animé, des prises de vues réelles mettent en scène la véritable Maya Gondry, mignonne petite fille de huit ans, qui présente de manière individualisée et originale chacun des films. Apparaissent aussi dans la présentation la véritable mère de Maya ainsi que ses grands-parents qui ont accepté de participer au film de Gondry. Le côté volontairement amateur de l’animation en papiers découpés donne une véritable fraîcheur au projet et met en valeur l’inventivité sans limites de Gondry.

Maya, donne-moi un titre se situe un peu dans l’oeuvre de Gondry entre le caractère intime et très personnel de L’Epine dans le coeur, l’animation de Conversation animée avec Noam Chomsky et les films suédés de Soyez sympas, rembobinez. Comme dans les films suédés, il s’agit de créer de petites fictions à partir de prétextes ludiques. On se souvient également de l’Usine de films amateurs que Gondry avait créée et mis en oeuvre au Centre Georges Pompidou, permettant à tout un chacun d’éveiller sa créativité en participant à la réalisation de petits films amateurs. Maya, donne-moi un titre, procède du même souhait de Gondry, permettre à chacun de jouer et de faire fonctionner son imagination. On assiste ici presque à une sorte de passage de relais, Gondry espérant que ce processus permettra à sa fille de libérer sa créativité et de suivre ses pas, en lui donnant l’exemple.

Le film ne durant qu’une petite heure, il échappe à la redondance et nous fait entrer dans l’univers merveilleux de Maya et Michel Gondry, un monde où les frites du roi de Belgique permettent d’éviter que les mers soient rouges, où les hamacs (Homme Allongé Mais Aussi Confortable) apparaissent comme une résultante du confinement, où jouer de la batterie à l’envers permet de reconstruire l’univers, etc. Discrètement, le contexte de ces histoires s’avère plutôt écologique (le tremblement de terre et la mer inondée de ketchup), Gondry s’interrogeant avec humour sur la survie de la planète et la préservation du patrimoine de la nature. Un joli film bien plus profond que son apparence de film d’animation ne le laisserait supposer. Une déclaration d’amour en creux d’un père à sa fille, sensible et touchante.

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RÉALISATEUR : Michel Gondry 
NATIONALITÉ :  française 
GENRE : animation 
AVEC : Maya Gondry, Pierre Niney, Miriam Matejowsky 
DURÉE : 1h01 
DISTRIBUTEUR : The Jokers Films 
SORTIE LE 2 octobre 2024