L’intrigant duo, Veronika Franz et Severin Fiala, s’est fait connaître une dizaine d’années auparavant par l’horrifique Goodnight Mommy, sélectionné à la Mostra de Venise, qui hantait les spectateurs par le visage d’une mère couvert de bandages. Un bien étrange duo en effet composé de l’épouse et du neveu d’Ulrich Seidl, le célèbre et controversé cinéaste autrichien, alors que la plupart des tandems sont constitués de couples ou de fratries. Vingt ans séparent Veronika Franz et Severin Fiala, tandis que les réunit un goût commun pour l’horreur et l’angoisse. The Devil’s bath ne déroge pas à leur prédilection pour le genre horrifique, teinté cette fois-ci d’une reconstitution maniaque du film d’époque.
En 1750, en Haute-Autriche, une jeune femme prénommée Agnès épouse un inconnu. Elle se sent isolée et seule à la campagne, à la fois hostile et sauvage. Comme elle est très pieuse et émotive, elle s’isole de plus en plus de la vie et du travail rural. Elle ne voit aucune échappatoire à son tourment intérieur.
The Devil’s bath ne déroge pas à la prédilection des metteurs en scène pour le genre horrifique, teinté cette fois-ci d’une reconstitution maniaque du film d’époque.
Par rapport à leur précédent film, The Devil’s bath est en effet pour Veronika Franz et Severin Fiala un film d’époque, se situant au milieu du dix-huitième siècle. Néanmoins, comme il se passe dans une région rurale, loin de toute civilisation, le film se rapproche de certains films d’horreur gothique, plus ou moins récents, Le Village de M. Night Shyamalan, The Witch de Robert Eggers ou Midsommar de Ari Aster, en présentant une communauté isolée, renfermée sur elle-même, une héroïne esseulée et désarmée et le spectre de la violence planant sur ce monde sauvage.
Ce film se distingue de ses illustres prédécesseurs par une volonté d’exactitude historique, à laquelle contribue le travail minutieux et remarquable de Martin Gschlacht, directeur de la photographie du film, récompensé par un Ours d’argent de la meilleure contribution artistique au Festival de Berlin 2024, qui évoque certains des plus beaux tableaux de la peinture hollandaise de l’époque. The Devil’s bath ne recèle en effet pas d’éléments horrifiques surnaturels mais une pression psychologique intense et des éléments de faits divers s’étant réellement déroulés. Car il décrit un phénomène historique et psychiatrique certifié, Une historienne américaine, Kathy Davis, a mis au grand jour le phénomène de suicide par procuration qui s’est emparé de nombreuses femmes dans l’Europe centrale germanophone et la Scandinavie, aux XVIème et XVIIème siècles. Les personnes suicidaires ne se tuaient pas, par peur de la damnation éternelle, mais commettaient un crime capital et se rendaient aux autorités, afin d’être exécutées. Le personnage d’Agnès est ainsi largement inspiré par Eva Lizlfellnerin, une paysanne de Haute-Autriche, ayant vécu au milieu du XVIIIème siècle.
The Devil’s bath ne comporte donc pas tant d’éléments horrifiques – hormis un bébé jeté au bord d’une falaise dans le prologue, et une dernière demi-heure assez éprouvante qui rappelle Bruno Reidal de Vincent Le Port, jetant un étrange éclairage rétrospectif sur ce film – mais se signale par une atmosphère pesante et angoissante qui ne se relâchera guère. A cette atmosphère très prenante, contribue de manière essentielle Anja Plaschg, la comédienne principale du film, plus connue en tant que musicienne sous le pseudo de Soap&Skin dont les trois albums, sous le haut parrainage d’une certaine Nico, sont fortement recommandables. De tous les plans, fascinante de bout en bout, en épouse délaissée et minée par la dépression, Anja Plaschg montre un investissement dans son rôle et une intensité incroyable qui ne peuvent se comparer qu’à ceux des plus grandes, par exemple, Isabelle Huppert. Grâce à elle, le spectateur accepte de se laisser conduire dans les méandres de ce monde horrifique, avec crainte et tremblement.
RÉALISATEUR : Veronika Franz et Severin Fiala NATIONALITÉ : autrichienne GENRE : horreur, historique AVEC : Anja Plaschg, Maria Hofstätter, David Scheid DURÉE : 2h01 DISTRIBUTEUR : Pan Distribution SORTIE LE 2 octobre 2024