Six ans après Folle nuit russe, la cinéaste Anja Kreis propose une nouvelle production, Les Âmes propres, présentée en compétition à l’Étrange Festival 2024. Sorte de mélange entre philosophie, fantastique, spiritualité et un soupçon d’horreur, le film, à l’atmosphère pourtant bien étrange, emprunte trop de chemins sinueux pour espérer convaincre un public rompu aux films de genre.
Une professeure de philosophie présente aux étudiants le concept de la mort de Dieu. Sa sœur, gynécologue réputée, qui lui rend visite, est mandatée par le gouvernement pour réduire le nombre d’avortements dans la ville.
Interrogations sur Dieu, philosophie nietzschéenne, pratique de l’avortement… Le film compile beaucoup d’éléments, mais sans véritable cohérence et avec un scénario sans fil rouge.
Les Âmes propres raconte le quotidien de deux femmes. L’une est professeure de philosophie et étudie le concept de la mort de Dieu, l’autre est une gynécologue qui pratique des avortements dans une clinique. Anja Kreis décrit le parcours de ces deux âmes, entre religion, politique conservatrice et actes médicaux. Cependant, la cinéaste mélange tout, s’embrouille, jusqu’à proposer un récit qui vadrouille entre évocation spirituelle et une fascination pour des fœtus soigneusement conservés dans des bocaux par la praticienne, mandatée par le gouvernement russe pour réduire le nombre d’avortements dans sa ville. De l’autre côté, l’enseignante devise sur la philosophie de Friedrich Nietzsche et sa célèbre citation « Dieu est mort », face à des élèves qui doivent répondre à des questions sur le concept de la mort de Dieu et exprimer leurs propres interprétations. L’œuvre ne possède pas d’intrigue, et il est complexe de déceler un lien solide entre un enseignement philosophique et la pratique de l’acte médical autorisé en Russie. En plus des deux personnages féminins assez rigides, le film s’enfonce dans un ennui constitué de divagations intellectuelles très pointues et dans une série d’interrogations qui fait que Les Âmes propres s’éloigne du film de genre, même s’il évoque la présence de l’Antéchrist.
Anja Kreis dilue son message fantastique dans une critique de la Russie moderne et du patriarcat.
Le film contient un portrait d’un pays gangrené par la misogynie, l’homophobie, la domination de l’homme, comme celle de cet élève recalé à un examen et qui harcèle sa professeure. À travers cela, la cinéaste dépeint un monde de soumission, ce fameux patriarcat. Elle finit par créer une intrigue bien brouillonne, confuse et déstructurée, à tel point qu’il faut se demander s’il s’agit d’une description virulente de ce pays ou d’une œuvre sur le satanisme et les tentations voyeuristes et morbides d’une gynécologue collectionneuse de fœtus. Dans le désordre ambiant et pseudo-mystique de ce film, Anja Kreis démontre des qualités de mise en scène, sans toutefois réussir à maîtriser les codes du genre. Aussi, elle s’adresse à un public assez averti sur les questions religieuses et sur le contenu des pensées de Friedrich Nietzsche qui imprègne le film et dont il faut être un fin connaisseur pour pouvoir comprendre et analyser ce concept de la mort de Dieu.
RÉALISATEUR : Anja Kreis NATIONALITÉ : Allemagne, Moldavie, France GENRE : Fantastique AVEC : Dana Ciobanu, Maria Chuprinskaia DURÉE : 1h35 DISTRIBUTEUR : SORTIE LE