Horizon, une saga américaine, chapitre 1 : une vision datée et caricaturale du mythe de l’Ouest

Autant le dire tout de suite, avec un tel titre, on était en droit de s’attendre à une grande fresque épique ayant pour sujet la conquête de l’Ouest américain. Tout débute par un homme arpentant un bout de terrain en plein milieu d’une vallée au bord d’une rivière, y plantant ses piquets y formant comme autant de points de repère le contour de sa future maison. Du haut des rochers, les Indiens assistent à la scène. « Pourquoi viennent-ils ici? » s’interrogent des adolescents. On verra que l’explication donnée par le film à travers le dialogue des protagonistes n’est rien moins qu’empreinte d’une religiosité putride car il semblerait que ce soit la Providence qui aurait guidé les pionniers et repoussé toujours plus loin la frontière de l’Ouest avec pour dommages « collatéraux » – comme l’on dit – l’extermination directe et indirecte – l’alcool, les maladies involontairement apportées d’Europe, etc – des Indiens. C’est la thèse providentialiste des puritains américains qui est illustrée ici. Mais le film inverse le cours de l’histoire et nous montre que c’est le village de pionniers qui est venu s’installer sur les lieux qui est victime d’un massacre par la tribu indienne des Apaches au cours duquel ces derniers se révèlent particulièrement cruels et d’une férocité redoutable. Ainsi, ils n’hésitent pas à massacrer femmes et enfants comme les vieillards sans défense, et tout cela sans ciller. Massacre souligné par le contraste qu’il forme avec la joie de vivre et la bonne humeur qui siégeait jusque-là au sein de la petite communauté de colons – l’assaut des Indiens a lieu à l’occasion d’un bal organisé par les pionniers.

Ces derniers sont mis hors de cause et le film de retracer l’avance d’un convoi en route vers l’Ouest, avec son quotidien fait de joies et de peines, de difficultés liées aux obstacles naturels et de conflits occasionnels que s’évertue à régler le chef désigné de la communauté, comme lorsque deux hommes profitent du bain d’une jeune femme pour l’épier en secret. Car le film est composé de plusieurs séquences s’entrecroisant à la faveur d’un montage parallèle nous représentant alternativement les faits de l’une ou l’autre histoire. Mais voilà qu’au milieu de leur course apparaissent des Indiens juchés sur leurs montures et les observant de loin. La menace se fait sentir qui provient toujours des autochtones. Et Kevin Costner cède à une vision édénique et datée de la conquête de l’Ouest, nous présentant des pionniers candides et sans taches exerçant leur droit de s’installer sur des terres supposées vierges face à la menace de méchants Indiens toujours prêts à fondre sur eux et à leur arracher leurs scalps. Car lorsque le guerrier apache ayant ordonné le massacre tente de se justifier devant le grand chef, et qu’il explique que l’implantation des colons sur leurs terres fait fuir au loin les bêtes qu’ils chassent pour se nourrir, il le fait avec une telle sauvagerie et de façon si caricaturale qu’on est tenté d’adopter le point de vue du grand chef qui s’oppose à toute forme de conflit avec les blancs.

Kevin Costner cède à une vision édénique et datée de la conquête de l’Ouest

Les survivants du massacre se retranchent sur le terrain du fort de l’armée américaine venue constater le désastre à une quarantaine de kilomètres de là pour y vivre une vie idyllique où les femmes participent au blanchissage du linge, à la cueillette et autres occupations tout en contant fleurette aux officiers de l’armée. Les soldats, eux, végètent et font passer le temps. Rien ne semble venir troubler la quiétude du camp. Ici également, rien du conflit et des guerres sanglantes entre les Indiens et l’armée américaine qui firent des dizaines de milliers de morts et de la volonté de l’Etat fédéral d’exterminer le peuple des Amérindiens. Deux officiers échangent entre eux des propos fatalistes sur la Providence – toujours elle – qui veut que les pionniers avancent toujours plus vers l’Ouest et finissent par coloniser l’ensemble du territoire, ne laissant plus aucune terre vierge de tout ce que la civilisation moderne peut y apporter en bien ou en mal. Décidément, le fatum a bon dos. Une partie des survivants a cependant décidé de se lancer dans le « métier » de chasseurs d’Indiens – les scalps d’Indiens rapportent à ceux qui les vendent quelque argent. Et l’on assiste à leurs méfaits et autres cruautés qu’ils commettent au cours de leur quête. Et s’ils sont vils, leur méchanceté est rattrapée par la candeur du jeune Russel, l’adolescent ayant perdu sa famille au cours du massacre perpétré par les Indiens.

Une dernière séquence nous présente un vendeur de chevaux aux prises avec une bande de hors-la-loi qui poursuivent leur vengeance de village en village à la recherche d’une femme, à laquelle il va se trouver mêlé tout à fait par hasard. Séquence sans aucun lien avec l’intrigue principale ni avec ce qui la motive. Elle ne présente que peu d’intérêt sinon de voir Kevin Costner faire l’acteur et de constater que le mal est déjà là aux fondements de la société américaine, mais comme ajouté, à côté de l’histoire fondatrice des Etats-Unis dont le déroulement est intimement lié à l’un des génocides – même si le terme prête encore au débat parmi les historiens – de l’histoire de l’humanité. Déportations, acculturation, ravages produits par l’alcool, faim, guerres et massacre institutionnalisé des Indiens, rien de tout cela n’apparaît dans le film, remplacé par une vision béate du pionnier américain en quête d’un idéal qui se profile toujours plus à l’Ouest, à l’horizon.

1.5

RÉALISATEUR : Kevin Costner
NATIONALITÉ :  Etats-Unis
GENRE : Western
AVEC : Kevin Costner, Sienna Miller, Sam Worthington
DURÉE : 3h
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport
SORTIE LE 3 juillet 2024