Véritable spécialiste de la description des réalités sociales, le cinéaste belge Jawad Rhalib s’attaque aux sujets épineux de la radicalisation et de l’embrigadement religieux dans un grand film, fort mais aussi percutant, qui dénonce les dérives de l’endoctrinement au sein même de l’école. Amal, un esprit libre montre le mal-être d’une professeure ainsi que le malaise provoqué par de dangereuses attitudes prosélytes. Plus que d’actualité, le sujet est matière à réflexion. Jawad Rhalib livre des vérités qui dérangent.
Amal, enseignante dans un lycée à Bruxelles, encourage ses élèves à s’exprimer librement. Avec ses méthodes pédagogiques audacieuses et son enthousiasme, elle va bouleverser leur vie. Jusqu’à en choquer certains. Peu à peu, Amal va se sentir harcelée, menacée.
Amal, un esprit libre est le portrait édifiant d’une femme sûre de ses principes et de ses convictions, qui souhaite mettre en avant la notion de laïcité.
Jawad Rhalib pose sa caméra dans le cadre scolaire, dans cette salle de classe qui devient le lieu des dissensions politiques, religieuses, et où la diversité et le vivre-ensemble sont sévèrement mis à mal. Face à un auditoire divisé sur le sujet de la religion, et notamment sur la question de l’homosexualité d’une des camarades, Amal, interprétée par l’immense Lubna Azabal, grande défenseure de la laïcité, s’égosille vainement pour inculquer de la pédagogie. Le cinéaste utilise ce décor pour créer un étau compressant cette femme qui se retrouve prise au piège des méfaits du prosélytisme, une sorte d’espace claustrophobique devenant le réceptacle d’une haine palpable. En défendant Monia, jeune adolescente harcelée pour son orientation sexuelle jugée comme étant Haram (interdit), ce personnage d’enseignante respectueuse des lois et des règles laïques mène de manière vaillante un combat pour le respect et la tolérance, en citant le poète arabe Abu Nuwas, dans un environnement qui n’est pas totalement acquis à sa cause. Jawad Rhalib l’érige en héroïne face à l’adversité, et montre également les dangers du harcèlement, des intimidations, des violences psychiques, puis décrit un état de tension qui fait écho à celui d’une société rendue anxiogène par les tentations extrémistes et terroristes. Le cinéaste livre un film extrêmement tendu, qui se passe dans peu de décors, des salles de cours, dans le bureau de la cheffe d’établissement, avec à chaque fois de véritables batailles verbales et idéologiques.
Amal, un esprit libre se révèle convaincant, tant le film se plaît à mélanger forme documentaire et réalisme social.
Informatif et saisissant, Amal, un esprit libre est parfaitement bien structuré, alternant entre des heures de cours agitées où l’enseignante défie ses élèves, et les réunions avec une directrice qui tente douloureusement de régler un conflit presque insoluble. D’un côté, il y a Amal, de l’autre Thibaut, alias Nabil, un imam adepte des leçons de prosélytisme. Jawad Rhalib en fait un duo opposé, entre une femme courageuse et un homme particulièrement inquiétant, incarné par un formidable Fabrizio Rongione, qui cristallise toutes les inquiétudes liées aux dérives religieuses. Amal, un esprit libre est un grand film qui permet de comprendre l’importance de ce sujet dans nos modèles sociétaux, de saisir l’utilité du combat contre la radicalisation. Surtout, le réalisateur sait filmer ce qu’il se passe entre les murs de cette école servant de lieu d’embrigadement, et démontre brillamment ce climat d’emprise néfaste, sans toutefois stigmatiser violemment la communauté musulmane. Entre provocation, radicalité et réalisme déchirant, toute l’œuvre choque, pour sensibiliser, alerter, tout en adoptant un point de vue politique assez osé dans le contexte actuel. La conclusion offre une finalité traduisant le cercle vicieux entourant le thème et fait de Amal, un esprit libre un film coup de poing.
RÉALISATEUR : Jawad Rhalib NATIONALITÉ : Belgique/France GENRE : Drame AVEC : Lubna Azabal, Fabrizio Rongione DURÉE : 1h51 DISTRIBUTEUR : UFO Distribution SORTIE LE 17 avril 2024