Récompensé par le grand prix Concha de Oro au Festival de San Sébastian, O Corno, une histoire de femmes, qui fut également présent dans la sélection officielle du Festival Premiers Plans d’Angers 2024, n’est pas qu’une histoire de femmes, mais aussi celle du corps féminin dans son intégralité. Ce film s’inscrit parfaitement dans les luttes féministes, alors que l’interruption volontaire de grossesse fait maintenant partie de la Constitution française, et que ce droit est bafoué voire interdit dans plusieurs pays. Jaione Camborda en profite pour ajouter sa pierre à un édifice qui ne cesse de grandir.
1971, Espagne franquiste. Dans la campagne galicienne, María assiste les femmes qui accouchent et plus occasionnellement celles qui ne veulent pas avoir d’enfant. Après avoir tenté d’aider une jeune femme, elle est contrainte de fuir le pays en laissant tout derrière elle. Au cours de son périlleux voyage au Portugal, María rencontre la solidarité féminine et se rend compte qu’elle n’est pas seule et qu’elle pourrait enfin retrouver sa liberté…
O Corno, une histoire de femmes est une œuvre intéressante qui érige les femmes en guerrières, celles qui luttent pour leurs droits et leur émancipation dans un univers rigoureux fait d’interdictions.
Le débat sur l’IVG fait rage dans de nombreux pays, et cristallise donc le combat entamé depuis longtemps par les femmes. La cinéaste choisit ainsi ce sujet présent dans les volontés de changement sociétal, pour réaliser un film qui dresse des portraits de visages féminins prêts à défier les législations pour pouvoir disposer librement de leur corps. L’action se situe en 1971, soit en pleine dictature franquiste, ce qui donne un contexte évidemment peu propice à l’épanouissement corporel, surtout dans les campagnes galiciennes assez attachées au traditionalisme et au patriarcat. Dans cet environnement qui laisse peu de place à la parole féminine, Maria pratique des avortements et se retrouve contrainte à fuir l’Espagne. Jaione Camborda en fait un personnage charismatique, dont les moindres expressions traduisent l’espoir et une farouche envie de combattre les mentalités. À travers cette représentation, la réalisatrice raconte l’histoire d’une femme, qui rejoint celles de tant d’autres, et en fait une figure symbolique qui, à elle seule, retrace des décennies d’acharnement et résume sans doute les toutes récentes évolutions. La majeure partie du film capte les intentions guerrières de Maria, qui aide les femmes à avorter et à accoucher, avec une attention particulière, filmée avec bienveillance. Le long métrage exprime alors un rapport au corps féminin passionnant, celui qui donne la vie.
Parfois linéaire et assez contemplatif, O Corno, une histoire de femmes, propose peu de dialogues et privilégie un silence impénétrable, fort, émouvant et qui signifie tant de choses.
Effectivement, ce silence finit par s’installer dans la seconde partie du film, alors que Maria, en fuite, recherche la solidarité d’autres femmes. Cependant, si ces longs moments silencieux créent des longueurs, l’absence de dialogues vaut mille mots, et il suffit juste d’une expression pour comprendre les émotions. Dans cette fuite en avant, Maria regarde des soldats portugais, reste à l’affût, en exploitant au maximum son instinct de survie. L’action se révèle superflue. Jaione Camborda laisse libre cours à son interprète, la fantastique Janet Novás, très expressive, qu’elle filme comme une battante, quasiment une aventurière au visage figé, crispé, mais revanchard. Par le biais de son personnage, elle choisit, comme beaucoup d’autres Espagnoles, de rallumer les braises du passé franquiste qui reste encore gravé dans les mémoires de la péninsule ibérique. O Corno, une histoire de femmes est aussi le récit d’une Espagne proche de la liberté, qui se trouve à l’aube d’une révolution sociale et culturelle à laquelle les femmes ont pris part. De ce fait, la maternité, thème important du film, est mise en avant, sans doute pour expliquer le désir profond d’enfanter, avec des naissances qui signifient l’espoir, le renouveau, la preuve en est avec ces bébés qui apparaissent sur quelques plans.
RÉALISATEUR : Jaoine Camborda NATIONALITÉ : Espagne, Portugal, Belgique GENRE : Drame AVEC : Janet Novas DURÉE : 1h45 DISTRIBUTEUR : Epicentre Films SORTIE LE 27 mars 2024