Présenté en 2023 dans la section Un Certain Regard à Cannes et premier film de fiction de la bretonne Delphine Deloget (l’action se déroule d’ailleurs à Brest), Rien à perdre choisit de parler des manquements de l’Aide Sociale à l’Enfance et de la justice française, en employant un style réaliste sans doute trop sobre.
Sylvie habite à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Ensemble, ils forment une famille très soudée. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans leur maison. Après un signalement, l’enfant est placé en foyer. Avec l’aide d’une avocate, de ses frères et de l’amour de ses enfants, Sylvie est confiante : elle est persuadée d’être plus forte que la machine administrative et judiciaire.
un film qui informe des dérives ou des erreurs de la justice française et de l’A.S.E, au traitement réaliste qui ne se distingue pas d’un certain type de production française, avec une très bonne interprétation de Virginie Efira hélas parfois contredite par son apparence.
L’avantage du film est d’offrir quelques micro-rebondissements et surtout une fin inattendue au long métrage, ainsi que de montrer une viscérale interprétation de Virginie Efira. Mais aussi, pour ceux qui méconnaîtraient ce type d’affaires, de montrer une certaine réalité, même si celle-ci adopte directement le parti des victimes des erreurs d’appréciation de la justice et de l’A.S.E (Aide sociale à l’enfance), sans en montrer le contre-champ. Il est également sympathique de revoir ici des figures du cinéma d’auteur, Matthieu Demy et India Hair.
Cependant le film ayant été sélectionné à Un Certain Regard à Cannes, il pâtit, en comparaison de chefs-d’oeuvres tels que, par exemple, Lost in the night (Perdidos en la noche) présenté dans Cannes Premiere. Certes Rien à perdre se situe largement au dessus des propositions commerciales des films qui sortent en grands complexes. Mais pour autant, cinématographiquement, il n’innove guère. Nous ne discernons justement pas ce certain regard qui nous permet de reconnaître immédiatement un(e) cinéaste, un style atypique. Quelques minutes ou secondes de visonnage de films des grands maîtres, ou, même sans aller jusqu’eux, de cinéastes reconnus (Larry Clark, Gregg Araki) nous permettent de savoir immédiatement qui en est l’auteur.
Ici nous avons un énième film réaliste, qui s’inscrit dans une sorte de savoir-faire hexagonal qui atteint souvent ses limites. À noter que ce premier film fictionnel est celui d’une documentariste bretonne : Delphine Deloget. Ce qui permettrait d’expliquer son style assez terre-à-terre (cependant des chefs-d’oeuvres du documentaire tels que The Arbor ne donnaient pas forcément dans le réaliste).
Trop de productions françaises disposent des mêmes postulats : soit des histoires inspirées de faits réels sociaux/ sociétaux, soit une histoire intimiste, soit les deux à la fois. Avec, comme signe distinctif interchangeable, un traitement minimaliste : pas d’esthétique dans la photo, ni dans la réalisation ou la musique. Un choix revendiqué d’une sorte d’austérité. Aux antipodes d’un Bellochio qui s’est employé à raconter des histoires tirées de faits strictement réels avec un incroyable lyrisme et un grand sens du Cinéma en respectant la majuscule du mot : Vincere, Le Traître, Buongiorno, notte, L’Enlèvement, ou la série Esterno, notte.
Bien qu’il ne soit en fait pas adapté d’une histoire réelle précise mais inspiré de plusieurs cas qui ont eu lieu, Rien à perdre s’inscrit délibérément dans la veine réalistico-française que nous venons de décrire plus haut. Avec la limite que Virginie Efira est bien trop apprêtée et lisse physiquement, pour son rôle, cf. par exemple, une coiffure qui coûterait mensuellement une bonne partie du salaire du personnage.
En somme, un film qui informe des dérives ou des erreurs de la justice française et de l’A.S.E, au traitement réaliste qui ne se distingue pas d’un certain type de production française, avec une très bonne interprétation de Virginie Efira hélas parfois contredite par son apparence.
RÉALISATEUR : Delphine Deloget NATIONALITÉ : française GENRE : Drame AVEC : Virginie Efira, Félix Lefebvre, Arieh Worthalter DURÉE : 1h52 DISTRIBUTEUR : Ad vitam SORTIE LE 22 novembre 2023