Champions du box-office, Eric Tolédano et Olivier Nakache reviennent avec leur huitième film. Depuis Intouchables, la formule est bien rôdée : un sujet sociétal dans l’air du temps (le handicap dans Intouchables, les sans-papiers dans Samba, l’autisme dans Hors normes, la France réconciliée dans Le Sens de la fête, le militantisme écologique dans Une année difficile), une impeccable direction d’acteurs, des personnages hérités de la comédie sociale italienne, à la fois touchants et drôles. Les défauts du système Tolédano-Nakache sont également présents : une bonne conscience qui confine au scoutisme, une manière de foncer droit dans le cliché, une volonté de refléter la société comme un miroir au lieu d’imposer une vision inédite. Plus réussi que Samba, moins que Intouchables ou Le Sens de la fête, Une année difficile résume assez bien ce qu’on peut aimer et reprocher au cinéma de Tolédano et Nakache en un seul film.
Albert et Bruno sont dans le rouge, consommateurs compulsifs, surendettés, ils vivotent entre petites combines pour l’un et une vie personnelle à la dérive pour l’autre. C’est dans le chemin associatif, qu’ils empruntent tous les deux pour sortir la tête de l’eau, qu’ils vont croiser des jeunes militants révoltés, alarmistes sur le climat, épris de justice sociale et d’éco-responsabilité. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, Albert et Bruno vont peu à peu intégrer le mouvement sans conviction…
Une année difficile laisse un goût mitigé parce que Tolédano et Nakache sont bien plus soucieux de plaire que de s’exprimer.
Une année difficile commence par une séquence pré-générique où la plupart des Présidents de la République de Pompidou à Hollande (Macron rejoindra le bal dans la séquence de générique de fin) utilisent lors de leurs voeux présidentiels l’expression « une année difficile ». Le sens de l’observation de Tolédano et Nakache fait ici mouche, à la fois ironique et juste. Malheureusement le film ne se poursuit pas forcément sous ces bons auspices. Le principal problème de Une année difficile, c’est d’avoir mélangé deux sujets qui ne se marient pas toujours harmonieusement : d’une part le surendettement provenant de la surconsommation, et d’autre part le militantisme écolo, le second n’apparaissant pas comme la réponse absolue au premier.
Tel quel, le problème du surendettement aurait pu faire à lui seul un très bon film. Le rappel des principes élémentaires de consommation et de bonne gestion se révèle souvent plus qu’utile. Il faut déplorer que Tolédano et Nakache ne creusent pas suffisamment la question et se contentent d’accumuler les clichés et les situations attendues. Pour Tolédano-Nakache, le cinéma c’est refléter le monde ; pour la plupart des cinéastes d’une certaine valeur, c’est refléter leur vision du monde. A partir de là, pendant tout le film, Tolédano et Nakache vont aller vers les situations les plus faciles, les gags les plus prévisibles, manquant de crédibilité (effacer une partie d’un mot au typex, arrêter un avion sur une piste d’aéroport). Tolédano et Nakache partent du lieu commun pour aboutir au…lieu commun.
D’une certaine manière, ils s’emparent du militantisme écologique, de manière assez opportuniste, n’y croyant manifestement pas, comme leurs deux personnages masculins. La bande d’écolos est considérée comme de joyeux farfelus qui ne transigent pas avec des principes relativement stupides. Une année difficile est ainsi clivé entre une partie relativement documentaire sur le surendettement (la notation sur le personnage d’Albert qui récupère des objets coincés par la douane est assez juste) et une autre partie plus folklorique, où les militants semblent atteints de folie douce, ne paraissant pas refléter la réalité du militantisme écolo sur le terrain. Tolédano et Nakache ne doutent de rien et utilisent parfois certaines musiques de manière téléphonée, sans les transformer en une bande originale personnelle (Le Freak de Chic, The End des Doors, La Valse à mille temps de Jacques Brel). Au moins, Francis Ford Coppola ne risque rien au vu de l’utilisation hors sol de la musique des Doors qui ne fera pas d’ombre à la sublime séquence d’ouverture d’Apocalypse now. On regrette le goût dont ils ont su faire preuve en engageant Ludovico Einaudi pour la musique d’Intouchables, qui parvenait à demeurer émouvante, sans jamais sombrer dans le larmoyant.
Pourtant, malgré cette douche de clichés, le film fonctionne malgré tout, grâce à l’efficacité de la distribution, en particulier le tandem comique Jonathan Cohen-Pio Marmaï, ainsi que Noémie Merlant, même si son talent de comédie est largement sous-exploité par rapport à L’Innocent. Car le point fort de Tolédano et Nakache demeure leur manière de diriger les acteurs, tous formidables ici, comme dans En thérapie, où finalement le côté janséniste de la mise en scène les empêchait de basculer dans le cliché, leur péché mignon. Assez bancal, en raison de sa dualité de sujets, Une année difficile laisse un goût mitigé parce que Tolédano et Nakache sont bien plus soucieux de plaire que de s’exprimer.
RÉALISATEUR : Eric Tolédano et Olivier Nakache NATIONALITÉ : française GENRE : comédie AVEC : Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Noémie Merlant, Mathieu Amalric DURÉE : 1h59 DISTRIBUTEUR : Gaumont Distribution SORTIE LE 18 octobre 2023