La cinéaste argentine Inés Maria Barrionuevo filme une jeune demoiselle, dans une période adolescente où le corps se construit, où la recherche de l’orientation sexuelle se précise, laissant poindre les défaillances d’une société peu encline à adopter le plus fondamental des droits féminins, celui de disposer librement de son corps. Dans un pays argentin encore politiquement fragile, cette question cruciale reste plus que jamais d’actualité, alors que les inégalités se creusent et que les violences persistent. Camila sortira ce soir capte les moments d’une personne, entre intimité cachée et secrets difficiles à révéler, une lycéenne assumant son choix d’être libre, s’engageant dans une lutte féministe pour obtenir liberté, émancipation et indépendance. Juste dans son propos, l’œuvre réussit à saisir les signes visibles d’un État argentin malade à cause des dissensions politiques, d’un combat nécessaire, ainsi que cette volonté grandissante pour les femmes de faire un pas en avant dans un environnement encore peu acquis à la cause.
Camila déménage à Buenos Aires, avec sa mère et sa sœur, pour visiter sa grand-mère mourante. En passant d’un lycée public à une structure privée catholique, la jeune fille doit se battre contre les préjugés et l’intolérance.
Engagement, conviction, espérance, voici trois mots qualifiants Camila sortira ce soir, ce film prouvant que le cinéma peut devenir une forme d’expression se dressant contre les pires dysfonctionnements de notre monde, régi par une multitude de lois légiférant contre les volontés d’une population féminine. En établissant le portrait d’une fille éprise de liberté, Inés Maria Barrionuevo choisit de réaliser un pamphlet cinématographique en faveur des femmes argentines.
Pamphlet, un terme récurrent, souvent utilisé pour décrire des injustices, inégalités, prend encore, et malheureusement, tout son sens dans ce film se situant dans la capitale de l’Argentine, Buenos Aires. Alors que le cinéma actuel regorge encore d’œuvres relatant ce problème sociétal, et que des politiques font encore preuve de fermeté et d’intransigeance, ce long-métrage apporte une nouvelle pierre à un édifice qui ne cesse de grandir, dont les fondations restent tristement instables, fragilisées par les mentalités ou le pouvoir des politiciens. Ce que raconte ce film est tout simplement une radiographie précise détaillant les symptômes maladifs d’un pays divisé, comme tant d’autres, sur la question de la féminité et de l’homosexualité. La cinéaste filme cette Camila, dans ce lycée religieusement ancré dans la tradition catholique interdisant les relations homosexuelles, s’opposant aux règles autoritaires en laissant libre cours à sa sexualité avec une camarade de classe, Clara. Ainsi, en filmant ces rapprochements intimes, le film bascule vers une approche directe, libertaire, choisissant de montrer un personnage luttant fermement contre la législation imposée, optant délibérément pour la libération sexuelle, espérant fortement une forme d’émancipation ou l’octroi de nouveaux droits. Par conséquent, cette Camila devient une survivante, combattante, au cœur de ce qui prend l’aspect d’un portrait de femme, si fréquent dans le cinéma. Inés Maria Barrionuevo propose un diagnostic complet sur ce sujet brûlant, épineux, place son personnage dans un tumulte permanent, secoué par la caste masculine, mais dans lequel celle-ci s’érige en défenseure d’une féminité assumée.
Prise dans l’étau d’une institution traditionaliste, Camila subit honteusement les conséquences de l’homophobie ambiante, mais reste toujours animée par son obsession d’autonomie et d’acceptation corporelle.
Mon corps, mon business, slogan scandé à la fin du film par une bande d’adolescentes menées par une Camila déterminée, résume avec cohérence tout le contenu d’un long-métrage dont l’unique objectif est de procéder à une extrême sensibilisation, à l’heure où ce message se diffuse à l’échelle planétaire pour dénoncer les pratiques scandaleuses existant çà et là. Cela fonctionne, même si le film rappelle les nombreuses disparités présentes dans les différentes sociétés. En Argentine, pays où la Loi Évita permet aux femmes de voter et d’être élues depuis 1947, il subsiste néanmoins cette scandaleuse et terrible présence du rejet de l’homosexualité, et de la vacillante place des femmes dans la hiérarchie sociale. Camila sortira ce soir évoque tout cela, en montrant le visage de cette lycéenne cherchant sa liberté dans l’assouvissement des fantasmes sexuels, les sorties nocturnes, les contacts amicaux, tout autant d’actes bravant les quelques interdits liés à son âge, étant toutefois les prémices d’un constant souhait de bonheur et de bien-être, la description d’une future femme, dans toute sa splendeur et sa modernité, s’affranchissant tant bien que mal d’un milieu hostile à l’épanouissement féminin. Souvent lent, et manquant parfois d’intensité dramatique, Camila sortira ce soir évoque un thème cependant délicat, évoquant un problème concernant hommes et femmes soucieux d’égalité et d’équité. Inés Maria Barrionuevo réalise un film militant pour la révolution féminine, où la vulnérabilité des plus jeunes se compense par une farouche volonté de changer les lignes et les codes sociétaux, face aux plus grands se souciant que trop peu de ces changements désirés.
RÉALISATEUR : Inès Barrionuevo NATIONALITÉ : Argentine GENRE : Drame AVEC : Nina Dziembrovski, Adriana Ferrer DURÉE : 1h41 DISTRIBUTEUR : Outplay Films SORTIE LE 7 juin 2023