Après Vicky puis Mystère, Denis Imbert en est donc à sa troisième réalisation, avec cette odyssée personnelle vécue par l’écrivain Sylvain Tesson. Tiré de son roman du même titre, Sur les chemins noirs, ce film raconte cette randonnée à travers les paysages et ce désir de marcher pour expier les erreurs du passé. Ce périple au milieu des champs et des sommets, motivé par une profonde ambition de reconstruction, peut donner envie d’enfiler l’équipement de randonneur et de planter le piquet sur les terres campagnardes. Malgré la volonté de rester fidèle au livre et de reproduire l’état d’esprit torturé de l’auteur, nous voici néanmoins à l’écart des chemins noirs. Passer de la page à l’image est toujours compliqué, et il en est ainsi avec cette œuvre peinant à retransmettre les émotions ressenties lors de cette aventure reconstructrice. Sans doute parce que ce récit, trop personnel et intime, devient délicat à adapter, et que les mots ne devaient rester qu’imprimés.
Pierre se blesse gravement, après avoir chuté d’un balcon, en état d’ébriété. De cet accident découle l’idée de se reconstruire, et d’entamer une longue randonnée, à la recherche d’un mental sain, puis d’un corps retrouvé.
Sur les chemins noirs narre une partie de la vie de Sylvain Tesson, un écrivain noceur victime d’une terrible chute lui provoquant de multiples blessures. Ce dramatique accident, survenu un peu bêtement, marque le début d’un nouveau départ, d’une nouvelle existence, avec un besoin vital de remise en question et de connexion à la nature.
Denis Imbert place cette histoire dans les contrées rurales, dans ce que l’on appelle « la diagonale du vide », territoires à mince densité humaine et propice aux randonnées. Bien équipé, chaussé, organisé, Pierre (Jean Dujardin) se lance donc dans ce défi physique, fou, défiant son organisme. Le voici alors arpentant ces chemins, réfléchissant sur lui-même et philosophant sur la réalité de sa vie. Au gré de ses colères, ses doutes et ses continuelles réflexions existentielles, nous voici témoin d’un véritable chemin de croix, avec ce personnage portant un lourd fardeau. Si les raisons se devinent facilement, la mise en images reste cependant stérile, tentant vainement de reproduire la puissance des mots contenus dans l’ouvrage. De beaux paysages servent de décor à une promenade sans âme, une aventure bien trop contemplative où Pierre ressent l’immensité de sa solitude dans les grands espaces, regardant cette nature qui s’offre à lui. Ces plans larges sur les magnifiques montagnes traduisent cette sensation d’isolement. Denis Imbert propose un film avec une exceptionnelle qualité d’image, sublimant l’aspect bucolique, mais qui reste désespérément vide, comme cette diagonale que Pierre s’efforce de parcourir difficilement. Non dépourvu de sens, Sur les chemins noirs prouve la complexité d’adapter une œuvre en partie autobiographique, relatant des événements personnels et reposant essentiellement sur la description d’un psychisme perturbé. Entre regards fixes, contemplation et interrogations philosophiques narrées par la voix de l’acteur, cette longue errance échoue à transposer toute l’essence du récit original, se contente de soigner la forme et non le fond. Le film a beau contenir de superbes plans, rien n’y fait, l’impression de visionner une œuvre délestée de toute son intensité, et ressemblant beaucoup à un documentaire, prend le dessus, et ce malgré la louable intention du cinéaste. Le scénario est, quant à lui, sobre, évite le misérabilisme, mais reste en surface.
Que dire de l’écriture, pas si mauvaise que cela, produite par Denis Imbert et Diastème, contenant la volonté d’être au plus proche du roman ? À vrai dire, le scénario est, de loin, le seul point positif de ce film, lui qui interroge sur beaucoup de choses, le sens de l’existence, l’expiation des erreurs, les regrets, les souhaits pour l’avenir, cette vision critique sur le monde environnant. Parsemé de réflexions et de pensées, Sur les chemins noirs expose la vie d’un homme rejetant son passé, désirant se construire un avenir plus radieux, loin de ses démons. Les passages narrés donnent un zeste de vigueur littéraire, redonnant ainsi envie de parcourir les pages du livre écrit par Sylvain Tesson. Ces moments de littérature, providentiels dans un film assez fade, questionnent sur les aléas de la vie, une existence malmenée par les problèmes. Les mots mettent en valeur ce qui ronge l’écrivain, mais ne sauve pas cette adaptation plus que moyenne, dans laquelle Jean Dujardin ne trouve pas son rôle le plus complet et élaboré. Sur les chemins noirs voulait sûrement nous inciter au voyage, partir à la découverte d’un homme, d’un écrivain, d’un amoureux de la nature, d’un admirateur des sentiers, de la marche, attaché aux notions écologistes. Certes, nous voyageons dans ces champs ensoleillés, d’un vert éclatant, sentant le ressourcement, en restant toutefois sur le bord du chemin de cette aventure humaine. D’une trop grande sobriété, ce long-métrage élude constamment la caractérisation du personnage principal, donnant des bribes plus qu’une véritable définition (dommageable dans le sens où cette histoire comporte d’importants éléments de dramaturgie). Les apparitions de Joséphine Japy puis de Jonathan Zaccaï, dans des rôles secondaires, achèvent cette petite galerie de personnages gravitant autour de ce Pierre, déterminé à aller au bout de cette diagonale… du vide, cette sensation qui nous enveloppe tristement jusqu’à la fin.
RÉALISATEUR : Denis Imbert NATIONALITÉ : France GENRE : Drame AVEC : Jean Dujardin, Josephine Japy, Jonathan Zaccaï DURÉE : 1 h 35 DISTRIBUTEUR : Apollo Films, TF1 Studio SORTIE LE 22 mars 2023