Papicha avait à l’époque surpris le public par son énergie et sa fougue, séduisant même l’Académie des César, révélant les noms de Mounia Meddour, sa réalisatrice, et de Lyna Khoudri, son actrice principale. Mounia Meddour récidive donc avec la même actrice, en racontant dans Houria une histoire assez similaire de rébellion d’une jeune femme prise entre une condition d’étudiante ou de prolétaire ordinaire et des aspirations d’artiste. Accompagnée d’une Lyna Khoudri toujours extraordinaire, Mounia Meddour s’attache ici à décrire la résilience et la capacité de reconstruction d’une jeune femme algérienne qui va essayer de se réinventer.
Alger. Houria est une jeune et talentueuse danseuse. Femme de ménage le jour, elle participe à des paris clandestins la nuit. Mais un soir où elle a gagné gros, elle est violemment agressée par Ali et se retrouve à l’hôpital. Ses rêves de carrière de ballerine s’envolent. Elle doit alors accepter et aimer son nouveau corps. Entourée d’une communauté de femmes, Houria va retrouver un sens à sa vie en inscrivant la danse dans la reconstruction et sublimation des corps blessés…
Papicha décrivait l’Alger des années quatre vingt-dix ; Houria se passe de nos jours. Pourtant les choses n’ont pas tellement changé dans le cinéma de Mounia Meddour. Les femmes luttent toujours contre leur condition d’exploitées et pour accomplir leur destin d’artiste, tandis que les hommes demeurent rivés à leurs sempiternelles blagues de dragueurs sinon à leur volonté de violence et d’oppression. On pourrait reprocher à Mounia Meddour des ficelles scénaristiques assez grosses et voyantes. Elle ne va pas en effet avec le dos de la cuillère mélodramatique, Houria ayant à affronter en un seul film la fin de sa trajectoire artistique et la mort d’une personne proche.
Pourtant, comme dans Papicha, le tout est porté par une énergie de tous les instants ainsi que par une Lyna Khoudri encore une fois exceptionnelle. On parle beaucoup en ce moment de Nadia Tereszkiewicz et de Rebecca Marder en tant que renouveau et emblèmes de la nouvelle génération d’actrices ; c’est peut-être aller assez vite en oubliant Lyna Khoudri qui s’est permis le luxe entre les deux films de Mounia Meddour de séduire Wes Anderson et de participer à The French Dispatch. Cette fois-ci Lyna Khoudri fait encore une fois merveille avec un rôle à 90% muet et une grâce de tous les instants, bien entourée de Rachida Brakni, très juste, et d’une Hilda Amara Douaouda rayonnante. Le contexte algérien, reconstitué à Marseille, apparaît fort crédible et permet de mettre en avant une histoire de résilience, assez proche de celle de En corps de Cédric Klapisch, en étant plus mélodramatique et paradoxalement plus crédible. Ceux qui ont adoré Papicha y retrouveront les mêmes problématiques et le même style qui y étaient à l’oeuvre : un féminisme sans fards, une volonté de résistance, une énergie capable de renverser les montagnes. Autant Papicha a peut-être été légèrement surcoté, autant il ne faudrait pas négliger Houria qui parvient à exprimer davantage de choses de manière totalement muette. La fin, très belle, montre une chorégraphie qui, par le mouvement et l’intensité des regards, est bien plus parlante que bien des mots.
RÉALISATEUR : Mounia Meddour NATIONALITÉ :française, algérienne GENRE : drame AVEC : Lyna Khoudri, Rachida Brakni, Hilda Amara Douaouda, Meriem Medjkane, DURÉE : 1h38 DISTRIBUTEUR : Le Pacte SORTIE LE 15 mars 2023