Déjà auteur de trois documentaires (La Peau dure, Valentina, à l’Est, La Campagne de France), Sylvain Desclous présente sa nouvelle œuvre, De Grandes espérances, dans laquelle il est question d’une certaine idée de la politique, engagée, vectrice d’une volonté de changement social. Porté par un parfait trio d’interprètes, ce film définit parfaitement le mot espérance, cette notion prenant de multiples formes et symbolisant autant l’espoir personnel que l’ambition d’entamer une mutation profonde de la société. Sans être vraiment militant et en faveur d’une opinion précise, ce long-métrage expose néanmoins un idéal politique, fait de justice et de défense des droits, prôné par une jeune femme entreprenante et dynamique, désireuse de changer les lignes et de défendre ce qui est juste…quitte à aller au-delà des lois.
Madeleine, brillante étudiante, se destine à une carrière politique. En pleine réflexion sur les possibilités d’établir un changement radical, un événement dramatique vient compromettre son désir d’ascension.
Madeleine (Rebecca Marder) est une femme brillante, venant d’un milieu modeste et promise à un avenir prometteur. Un chemin déjà tout tracé, dans lequel elle creuse les sillons d’une volonté de progrès, d’une politique novatrice, réformiste et idéaliste, axée sur la vision d’une société économiquement équitable et juste, où les conditions des strates populaires priment sur les plus hautes sphères.
Visionnaire, sûrement réactionnaire, ce personnage incarne la pensée d’une partie de la population subissant les différentes problématiques financières de notre société d’aujourd’hui, et également une forme d’espérance longtemps souhaitée, mais loin d’exister pleinement. Espérer, voici ce que raconte Sylvain Desclous avec ce film décrivant l’image d’une politique française sclérosée, divisant profondément les classes modestes et bourgeoises. Sans vouloir réaliser une œuvre militante, le cinéaste expose tout de même la représentation d’une France divisée, où le bas de l’échelle sociale se retrouve écouté et soutenu par une femme prônant l’idée d’une économie solidaire et fiable. Cette Madeleine personnifie les croyances et les attentes des plus modestes, matérialisant cette espérance tant attendue. Le scénario, bien écrit, décrit une image de battante, voulant valoriser les travailleurs, changer le monde, et accéder à des fonctions politiques pour défendre ses idéaux. Portrait d’une femme méritante, militante et déterminée, De Grandes espérances expose le regard d’un personnage féminin résolument tourné vers l’avenir. Quelles sont justement ces espérances ? Le film définit ce terme de plusieurs manières : abattre les barrières sociales, combattre toutes les inégalités, en finir avec une politique élitiste, et avoir des politiciens progressistes comprenant les diverses préoccupations. En somme, un monde rêvé, toutefois utopique.
Madeleine se retrouve au cœur de ce récit, coincée entre sa représentation idéaliste et une réalité compliquée, où l’insuffisance des actions menées se complète avec une sorte de passivité dont font preuve les élites dirigeantes à l’égard des classes inférieures. Nous suivons ce combat d’une femme défendant les droits sociaux avec intérêt. L’histoire bascule dans une autre dimension, celle du thriller, avec ce crime dont elle est l’auteure. Sylvain Desclous développe son argumentation autour de ce fait tragique, s’en servant ainsi pour décrire le caractère volontaire de cette femme, prête à tout pour défendre ce qu’elle croit être juste. Rebecca Marder déploie toute son énergie pour interpréter cette jeune femme n’ayant peur de rien, ni même de la Justice… cette justice que cette attachante Madeleine s’évertue à défendre corps et âme, malgré le poids de cette culpabilité l’obligeant à dissimuler un lourd secret et assombrissant quelque peu ses desseins politiques. Bien écrit, le scenario navigue entre vérités et mensonges, nous montrant un visage ambigu et ambivalent, non pas celui d’une meurtrière, mais d’un être humain empathique se dressant contre les lois pour afficher clairement son intention d’être une instigatrice du changement social. Avec ce meurtre, certains y verront un sentiment d’impunité, mais il faut y voir le regard d’une personne assumant son acte, un geste libérateur et annonciateur d’une détermination sans failles. Sylvain Desclous distille un soupçon de thriller dans un ensemble présentant les mécanismes défaillants de notre politique et réalise un film social brillamment emmené par un trio saisissant.
RÉALISATEUR : Sylvain Desclous NATIONALITÉ : France GENRE : Thriller, Drame AVEC : Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot DURÉE : 1h45 DISTRIBUTEUR : The Jokers, Les Bookmakers SORTIE LE 22 mars 2023