Avatar : la voie de l’eau : retour à la mer

Treize ans se sont passés depuis le premier Avatar qui avait battu en 2009 tous les records de fréquentation, dépassant les deux milliards de dollars de recettes et devenant le plus grand succès de l’histoire du cinéma (hormis un interlude occupé par Avengers : End Game), et permis de croire de manière fugace que la 3D serait l’avenir du Septième Art. Treize ans pendant lesquels le démiurge James Cameron a passé son temps à peaufiner trois suites à son succès-phénomène. Maintes fois décalée, de 2016 à 2022, la sortie de Avatar : la voie de l’eau, aurait pu avoir lieu en décembre 2020, s’il n’y avait eu la pandémie de Covid-19. Autant le dire tout de suite, Avatar : la voie de l’eau est un éblouissement visuel rarement vu au cinéma ou ailleurs, une plongée en immersion sur la planète Pandora, où les trois heures et plus de cinéma passent comme un envol sur une des montures de Jake Sully et de Neytiri.

Plus de dix ans après le premier Avatar, Jake Sully et Neytiri ont formé une famille et font tout pour rester aussi soudés que possible. Ils sont cependant contraints de quitter leur foyer et d’explorer les différentes régions encore mystérieuses de Pandora. Lorsqu’une ancienne menace refait surface, Jake va devoir mener une guerre difficile contre les humains.

Après la faune et la flore dont il a mis en valeur les beautés dans le premier Avatar, Cameron redevient le poète lyrique de la mer et de l’océan qui n’a sans doute pas d’égal parmi tous les autres cinéastes.

Avouons-le, on pouvait se montrer légitimement inquiets lorsque Cameron a annoncé son projet fou, consacrer dix années de sa vie à trois suites de son succès Avatar. De ce fait, il renonçait à l’effet de surprise et à la découverte d’autres univers. Comment allait-il pouvoir progresser dans l’exploration et la mise en scène de la planète Pandora? James Cameron répond à l’éventuelle attente de belle manière en profitant de toute l’avancée des progrès technologiques en matière de motion capture et de 3D. Rarement a-t-on vu une 3D aussi immersive et intrusive, paraissant vouloir s’engager dans les replis les plus cachés de notre cerveau. L’effet se révèle absolument bluffant, semblant atteindre les limites oculaires de notre perception. La prochaine étape serait alors l’immersion totale du spectateur dans l’image du film, à la manière des jeux vidéo. Cameron sera-t-il le cinéaste qui franchira cette étape déterminante dans la manière de vivre l’expérience de cinéma? D’un autre côté, les attitudes, mimiques et mouvements des acteurs en motion capture ont rarement paru aussi fluides et liquides, c’est le cas de le dire, se déplaçant dans l’espace sans heurts ni artificialité. En ce qui concerne la captation des acteurs qu’on ne verra plus ici que sous leur apparence finale de Na’vis, Cameron a également réussi avec ce film un remarquable bond en avant par rapport au précédent opus. L’on pourra en revanche s’interroger sur le fait de savoir s’il s’agit toujours de cinéma en prises de vues réelles, Cameron ayant tout reconstitué de manière numérique. C’est encore plus que le précédent, le triomphe absolu du numérique, même s’il subsiste encore une présence d’humain qui détonne dans cet univers lissé et parfait.

Sur le strict point de vue esthétique, on atteint souvent le sublime, entre paysages où le bleu du ciel se confond avec celui de la mer. Le principe d’immersion sur la planète Pandora fonctionne à plein, bien plus que dans le premier Avatar, qui fonctionnait de manière plus contrastée, par allers et retours entre la réalité et la dimension pandoresque, car le deuxième volet dure plus de 3h10, soit plus d’une demi-heure par rapport au premier et largement assez pour fusionner complètement avec cet univers. Ces trois heures pourraient sembler longues, elles passent comme un enchantement. Car James Cameron retourne à ses fondamentaux en consacrant Avatar : la voie de l’eau à la mer, sa deuxième patrie, contrée qu’il a explorée dans toutes ses profondeurs dans Abyss et Titanic, films qui forment comme les deux premiers chapitres d’une trilogie qui trouverait ici son climax. Après la faune et la flore dont il a mis en valeur les beautés dans le premier Avatar, Cameron redevient le poète lyrique de la mer et de l’océan qui n’a sans doute pas d’égal parmi tous les autres cinéastes.

Néanmoins, si Avatar : la voie de l’eau possède un point faible, c’est certainement son scénario. Le message écologique demeure de bon aloi mais n’a guère progressé depuis treize ans, même si l’urgence se fait encore plus forte ces récentes années. James Cameron reprend sans scrupules la même bonne vieille intrigue opposant des Na’vis primitifs et bons sauvages, respectueux de l’âme de la nature et des Terriens avides, cupides et assoiffés de sang, rejouant le conflit ancestral entre Indiens et Cow-boys, mais en nous plaçant du côté des Indiens. L’originalité d’Avatar consistait ainsi treize ans auparavant à nous opposer aux Terriens, c’est-à-dire à nous-mêmes ; cette originalité n’en est plus une. Cameron a en revanche transformé l’apparence des ennemis, ceux-ci ayant également un physique extra-terrestre dont ils ne se départiront pas. Il a également voulu échapper au manichéisme en introduisant un personnage assez proche d’Anakin Skywalker, pouvant selon les cas aider les bons comme les méchants. Cet effort notable permet de surprendre par moments dans la progression d’une intrigue qui reste globalement très prévisible dans ses thématiques et son développement : éloge de la famille, défense de la nature, promotion de la responsabilité et de l’engagement. Scénaristiquement, Avatar : la voie de l’eau n’apprendra pas grand’chose à ses spectateurs mais ce n’est sans doute pas ce qui lui est demandé. Les fans de James Cameron pourront regretter les apories et uchronies temporelles de Terminator mais en-dehors de cette saga de science-fiction, Cameron a toujours plutôt été un scénariste relativement conventionnel, voire convenu (cf. Titanic), un cinéaste de concepts plus que de dramaturgie.

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RÉALISATEUR : James Cameron 
NATIONALITÉ : américaine, canadienne , 
GENRE : Science fiction, Aventure, Fantastique, Action
AVEC : Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver, Stephen Lang, Kate Winslet. 
DURÉE : 3h12 
DISTRIBUTEUR : The Walt Disney Company France 
SORTIE LE 14 décembre 2012