Depuis quelques années, on avait remarqué le talent incontestable de Noémie Merlant en tant qu’actrice, collectionnant les rôles marquants ou non, à la manière d’une Marion Cotillard dans la première partie de sa carrière. On ne savait pas qu’elle était devenue également réalisatrice. Après un court métrage Shakira déjà consacré à l’univers des roms, Noémie Merlant persiste et signe en inventant un voyage en Roumanie où quatre amies françaises vont se perdre en se retrouvant sans ressources, soit la situation exacte qui arrive à une partie des immigrés roumains en France, l’occasion paradoxale d’inverser les rôles et de comprendre que richesse et pauvreté sont les faces d’une même pièce. Tourné en quatorze jours, avec une équipe resserrée de onze personnes, Mi iubita mon amour ressemble ainsi à un cri du coeur, plus fort que toutes les morales, un film indomptable comme son autrice, débordant de vie et d’amour, faisant fi des conventions.
Jeanne part fêter son enterrement de vie de jeune fille en Roumanie avec des amies. Elle y rencontre Nino et sa famille. Tout les sépare. C’est le début d’un été passionnel et hors du temps.
Noémie Merlant maîtrise l’ensemble de son film, en en faisant une ode au temps présent, aux choses fugitives qui devraient durer l’éternité, aux sentiments avant qu’ils ne se fassent corrompre par la société.
Surtout connue grâce à Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, Noémie Merlant n’a pas véritablement suivi les pas de Céline Sciamma pour son premier film, Mi Iubita mon amour. Très éloignée du hiératisme figé de Sciamma, elle s’est plutôt retrouvée naturellement du côté de Abdellatif Kechiche dans sa captation d’un été étincelant (cf. Mektoub my love Canto Uno) et surtout d’une Hafsia Herzi (Tu mérites un amour, dont Noémie Merlant revendique l’influence) dans le déploiement d’un cinéma en mode guerIlla. Néanmoins, comment alors éviter qu’un film sur un été invincible se transforme en un simple souvenir de vacances? La solution trouvée par Noémie Merlant consiste à raccorder l’amour, le désir pour un homme à son amour de cinéma et c’est sans doute la meilleure des réponses qu’elle pouvait apporter. Car Mi iubita mon amour déborde de désir, tout en se montrant d’une infinie délicatesse et d’une sensualité affolante dans la description de cet amour interdit qui transgresse nombre de frontières, celle des communautés, celle des cultures, celle -peut-être la plus dangereuse- de l’âge. Pourtant à aucun moment Mi iubita mon amour ne s’invoque comme le porte-parole d’une provocation . Y souffle au contraire le vent d’une liberté salvatrice. Actrice de trente ans, Jeanne, partie en Roumanie avec sa bande de copines (les véritables amies de Noémie Merlant, toutes issues du cours Florent) va rencontrer le vrai amour, d’autant plus vrai qu’il est inattendu, en la personne de Nino, jeune roumain de quinze ans, aussi frais et libre dans sa tête que Jeanne peut paraître un peu coincée.
Autant dire que la question du consentement est évoquée avec pudeur et sensibilité, Nino (l’étonnant Gimi Covaci, éblouissant de naturel) étant plus que consentant, voire volontaire pour une expérience qui va changer sa vie. Il suffit d’une séquence de plage, comme dans les films de Kechiche, pour tout faire basculer dans l’infini des possibles. En dépit de moyens réduits, Noémie Merlant parvient à créer cette impression de choc sensoriel, en mixant habilement plans de plage ensoleillée et musique electro rock. Certains pourront faire la fine bouche devant cette romance aussi belle qu’elle paraît presque improvisée. Or, malgré des imperfections dues au manque de temps, Noémie Merlant maîtrise l’ensemble de son film, en en faisant une ode au temps présent, aux choses fugitives qui devraient durer l’éternité, aux sentiments avant qu’ils ne se fassent corrompre par la société.
RÉALISATEUR : Noémie Merlant NATIONALITÉ : française AVEC : Noémie Merlant, Gimi Covaci, Sanda Codreanu, Clara Lama-Schmit, Alexia Lafaix, Giani Covaci GENRE : Drame, romance DURÉE : 1h35 DISTRIBUTEUR : Tandem Films SORTIE LE 27 juillet 2022