After Yang : repenser l’humanité

Niché quelque part entre Blader Runner et Ex Machina, le second long métrage du cinéaste américain Kogonada tente le pas de côté : une science-fiction apaisée, où il n’est plus question de méfiance et de complot, mais de compréhension de l’autre. Une exploration subtile et sensible de l’altérité robotique, de cet hypothétique techno sapiens qui, par sa simple existence, nous amène à repenser ce qui nous caractérise en tant qu’être humain. Derrière cette vertigineuse interrogation, un portrait intimiste d’une famille dysfonctionnelle dans un univers délicat et tamisé, à savourer comme un thé rare venu d’un futur peut-être pas si lointain.

La jeune Mika ne passe pas un instant sans Yang, son ami et tuteur. D’origine chinoise, la petite a été adoptée. Pour faciliter son intégration et lui permettre de garder un lien avec sa culture, Jake et Kyra ont fait l’acquisition d’un « techno sapiens », un androïde domestique. Lorsque Yang tombe en panne, la famille se recroqueville dans ses souvenirs : un deuil où chacun se rend compte de la place réelle de cet être synthétique au sein du noyau familial. Un grand frère, un fils, un confident. Alors que Jake tente de réparer Yang, il découvre que l’androïde possédait une mémoire visuelle et sonore. En visionnant le passé de Yang, il s’interroge sur son existence : et si les robots avaient aussi un jardin secret ?

Contemplatif et serein, le film de Kogonada s’affranchit de tout aspect spectaculaire. Dans ce futur proche, les clones existent, les voitures ne volent pas et le minimalisme règne en maître.

Les robots rêvent-ils de moutons électriques ? La question centrale d’After Yang n’est pas loin de celle posée par Philip K. Dick dans son roman adapté au cinéma par Ridley Scott. Lorsque Mika demande à son père si Yang est capable de dormir, il répond que non. Une supposition parmi d’autres vis-à-vis d’un androïde dont la nature reste au fond mystérieuse : est-ce un simple robot dont la mémoire et les actions ont été formatées pour, comme son corps, donner l’illusion d’une humanité ? Ou au contraire, un être certes synthétique, mais capable de dépasser nos certitudes quant à ses limites ? Lors d’un échange avec Kyra, Yang demande s’il peut être tout à fait franc : avec cette simple phrase, un monde s’ouvre, est-ce que l’androïde peut mentir ou éluder des informations ? S’ensuit une discussion aussi passionnante que pertinente sur nos préconceptions : ne sommes-nous pas, comme Yang, sagement capitonné dans nos croyances ? Une manière de rapprocher l’homme de la machine et d’envisager autrement notre définition de l’humanité.

Contemplatif et serein, le film de Kogonada s’affranchit de tout aspect spectaculaire. Dans ce futur proche, les clones existent, les voitures ne volent pas et le minimalisme règne en maître. Une épure légèrement « instagramesque », où tout est parfaitement à sa place, clair et fonctionnel. Cette harmonie de surface se confronte au drame qui se joue dans le foyer familial : comme souvent, les apparences peuvent s’avérer trompeuses. Mélangeant les formats et les plans, du carré intime pour les échanges privés au rectangle large, After Yang bénéficie d’une photographie sublime et d’un montage particulièrement soigné. Une douceur visuelle et sonore, pour une œuvre aux allures de méditation métaphysique, portée notamment par un Colin Farrell sur mesure. Outre ses interrogations existentielles, le film explore avec beaucoup de sensibilité notre mémoire et ce que l’on laisse derrière soi. Un beau et touchant voyage aux confins d’une galaxie de souvenirs.

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RÉALISATEUR : Kogonada
NATIONALITÉ : Américain
AVEC : Colin Farrell, Jodie Turner-Smith
GENRE : Drame, Science-fiction
DURÉE : 1h36
DISTRIBUTEUR : Condor Distribution
SORTIE LE 6 juillet 2022
Film d'ouverture des Champs-Elysées Film Festival 2022