Toute auréolée du succès d’art et d’essai de First Cow, Kelly Reichardt se retrouve en Sélection Officielle du Festival de Cannes, qui plus est, en compétition, quatorze ans après sa seule sélection dans un Certain Regard en 2008 pour Wendy et Lucy, l’un de ses plus beaux films, tourné avec Michelle Williams. Showing up, toujours avec Michelle Williams, se concentre sur le portrait d’une femme sculpteur qui se trouve un peu dépassée par les sollicitations de son entourage (famille, amis, propriétaire). Avec humour et de manière toujours aussi décalée, Kelly Reichardt nous propose une sorte d’autoportrait en artiste un peu grognon et en quête de reconnaissance.
Avant le vernissage d’une prochaine exposition, Lizzie, une artiste, voit son quotidien et son rapport aux autres ainsi que sa vie chaotique devenir sa source d’inspiration.
Avec humour et de manière toujours aussi décalée, Kelly Reichardt nous propose une sorte d’autoportrait en artiste un peu grognon et en quête de reconnaissance.
Dans Showing up, Kelly Reichardt s’est projetée dans le personnage de Lizzie Carr, sculptrice qui travaille sur une série de figurines en céramique qu’elle présentera dans une exposition qui se tiendra à la fin de la semaine. Showing up décrit donc les micro-événements qui vont jalonner cette semaine en guise de mini-chemin de croix. Lizzie est une artiste, tout comme Kelly, mais est obligée de garder un emploi pour subsister (tout comme Kelly, professeur de cinéma à l’université de Bard). Elle travaille quotidiennement sur ses petites figurines tourmentées, reflet de sa vie intérieure, mais est sans cesse dérangée par les soucis du quotidien : sa mère qui dirige le bureau du magazine de sculpture de l’université, à qui elle doit demander un congé pour préparer son exposition ; son père (Judd Hirsch, bien des années après Des gens comme les autres de Redford) qui accueille des inconnus chez lui ; son frère, un peu schizophrène et asocial ; sa propriétaire, qui est aussi sa collègue étudiante, qui ne prend pas la peine de réparer le radiateur de l’appartement, pour que Lizzie ait l’eau chaude et puisse prendre une douche…
Ainsi passe la vie. Kelly Reichardt expose la situation sans pathos, avec beaucoup de pudeur et de retenue, sans vouloir insister sur le drame d’une artiste qui n’est pas reconnue et que tous ses proches enfoncent dans la déprime et la misère d’une manière ou d’une autre….Seuls comptent les moments précieux de solitude et de création qui la sauvent d’une existence médiocre et précaire. Dans ce rôle davantage à contre-emploi par rapport aux autres personnages tenus dans l’oeuvre de Kelly Reichardt, Michelle Williams, alter ego de la cinéaste (elle a tourné dans quatre films de Kelly, soit la moitié de ses films), est parfaite en ne tirant jamais la couverture à soi, et en assumant un air maussade qui peut se comprendre, étant donné la bruine de petits soucis qui planent sans discontinuer sur sa tête. La création est une bataille et beaucoup qui s’y livrent ne le font pas pour des paillettes éphémères. Un oiseau blessé, symbole de la liberté, recueilli et soigné un peu avant l’exposition de Lizzie, montrera pourtant la voie, lors du dernier jour de la semaine, faisant entrer un bol d’air dans sa vie.
Comme Albert Serra, Kelly Reichardt est une adepte de la narration lente, ce qui peut faire atteindre un état de contemplation, presque zen, apaisant et plutôt rare dans le cinéma d’aujourd’hui. Si l’on s’habitue à son rythme nonchalant, où rien n’est volontairement dramatisé, Showing up, opus peut-être mineur de la réalisatrice, sorte d’autoportrait en artiste grognon, aura toutes les chances de séduire et d’apporter une paix bienveillante, de reconnaissance envers l’humanité et la nature qui laissent les artistes créer en toute liberté.
RÉALISATEUR : Kelly Reichardt NATIONALITÉ : américaine AVEC : Michelle Williams, Hong Chau, Judd Hirsch, Maryann Plankett, John Magaro GENRE : Comédie dramatique DURÉE : 1h48 DISTRIBUTEUR : Diaphana distribution SORTIE LE 3 mai 2023