Après Actrices (Un Certain Regard, 2007) et Un château en Italie (Compétition, 2013), c’est la troisième fois que la comédienne réalisatrice est sélectionnée sur la Croisette. Son septième long métrage, en lice pour la Palme d’or, co-écrit par Noémie Lvovsky, évoque avec fougue la promotion 1986/1987 du célèbre théâtre des Amandiers à Nanterre. Le metteur en scène Patrice Chéreau y avait monté une école de théâtre. Agnès Jaoui, Vincent Perez, Valeria Bruni Tedeschi, Bruno Todeschini, Thibault de Montalembert, Marianne Denicourt, Eva Ionesco ou Laurent Grévill ont fait partie de cette belle aventure, libertaire et folle.
A l’image de la (belle) séquence d’ouverture, la cinéaste a pour objectif de lier l’intensité théâtrale et la puissance du cinéma
A l’image de la (belle) séquence d’ouverture, la cinéaste a pour objectif de lier l’intensité théâtrale et la puissance du cinéma : on y suit les auditions de jeunes comédiens et comédiennes lors du concours d’entrée à l’École des Amandiers. Le spectateur est vite happé par l’énergie déployée par l’ensemble des interprètes, et découvre les protagonistes du film. Un défi, relevé notamment grâce au montage savamment dosé, tant les scènes de théâtre filmé peuvent se révéler ennuyeuses sur l’écran.
Dans la première partie des Amandiers, les années 80, intenses et bouillonnantes, sont parfaitement restituées et il convient ici de souligner le travail sur la bande originale du film ou encore sur le grain de l’image. C’est toute une époque que Valeria Bruni Tedeschi a capté, sans passer sous silence des aspects plus sombres mais qui y sont intrinsèquement liés (la drogue, l’apparition du SIDA…). Au-delà du contexte (le film échappe au cliché « film de reconstitution historique »), ce qu’elle réussit à restituer, avec une certaine justesse, c’est bien cette idée d’utopie – celle de la jeunesse, celle de la réussite dans le métier – qui a animé l’ensemble de la troupe.
Comme dans tout film choral, c’est un peu la loi du genre, on suit le parcours des personnages (ici les douze élèves retenus), leur passion pour le jeu, les relations d’amitié et d’amour qui se tissent entre eux. A ce sujet, les scènes de répétitions de la pièce Platonov, dirigée par Chéreau lui-même (incarné par Louis Garrel), dont le portrait (bien réel ou fictionnel ? un peu des deux) n’élude aucune zone d’ombre, sont exemplaires à ce titre.
Pour autant, et c’est l’une des limites de l’exercice, certains protagonistes apparaissent plus fascinants que d’autres : c’est le cas de Stella (alter-égo de la metteuse en scène) interprétée magnifiquement par Nadia Tereszkiewicz (déjà aperçue entre autres dans Seules les bêtes de Dominik Moll), véritable pile électrique et d’une grande sensibilité. Elle arrive à la rendre bouleversante.
Malgré les évidentes qualités mentionnées plus haut, le charme du film s’étiole un peu dans une 2e partie qui, étrangement, semble plus longue, plus laborieuse
Malgré les évidentes qualités mentionnées plus haut, le charme du film s’étiole un peu dans une deuxième partie qui, étrangement, semble plus longue, plus laborieuse, notamment dans l’histoire entre Stella et Étienne (joué efficacement par Sofiane Bennacer, mais néanmoins de façon un peu trop voyante). Comme si, emportée par un torrent d’énergie, le film n’arrivait pas littéralement à se boucler, multipliant un peu inutilement les « fausses fins ». Toutefois, ces quelques réserves n’empêchent pas ces Amandiers d’être une réussite, et même probablement, le meilleur film de Valeria Bruni Tedeschi, s’éloignant enfin des chroniques familiales et autocentrées auxquelles elle nous avait habitué. En cela, il s’agit d’une surprise certes relative, mais une bonne surprise tout de même.
RÉALISATEUR : Valeria Bruni Tedeschi NATIONALITÉ : France AVEC : Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel GENRE : Comédie dramatique DURÉE : 2h06 DISTRIBUTEUR : Ad Vitam SORTIE LE 16 novembre 2022