Mia Hansen-Løve s’avère toujours fidèle à ses habitudes de mise en scène, Un beau matin ne fait pas exception à la règle. Comme tous ses films, il est réalisé en 35 mm. La réalisatrice considère qu’il existe une matière dans le 35 mm à laquelle son esprit s’identifie. C’est selon elle un moyen de donner à un décor ingrat comme une chambre d’hôpital une poésie et un supplément d’âme. Elle est en outre fidèle à ses habitudes de bande-son. La musique revêt son importance dans le film avec la ritournelle du piano qui revient de façon récurrente, dans une bande originale marquante, composée par Ian Fleming, compositeur suédois, et Schubert. La réalisatrice a en effet grandi avec cette musique qui l’émeut profondément, accompagnant ce film marqué par le souvenir du passé.
Un beau matin est le récit d’une vie simple de tous les jours à laquelle tous les spectateurs peuvent s’identifier
Un beau matin est le récit d’une vie simple de tous les jours à laquelle tous les spectateurs peuvent s’identifier. Sandra est une jeune mère qui élève seule sa fille. Elle vit un moment compliqué de son existence en raison de la maladie de son père qui lui ôte doucement ses capacités physiques et mentales. C’est au milieu de ce combat pour faire soigner son père qu’intervient Vincent, un ami d’enfance avec qui elle crée une relation amoureuse, sa première depuis le décès du père de sa fille.
Un beau matin met en scène deux choses opposées arrivant curieusement au même moment de la vie. Sandra bataille pour son père qui sombre dans la maladie, mais elle vit en même temps une histoire d’amour qui la rend heureuse et lui redonne le goût et l’envie, de vivre l’amour et de faire l’amour, d’aimer et d’être aimée. Loin des clichés de la parfaite ’histoire d’amour, l’homme qu’aime Sandra est marié. La situation amoureuse n’est pourtant pas présentée comme dramatique bien que Vincent trompe sa femme. Mais leur vie ne se réduit pas à une simple histoire d’amour. Ainsi à cette histoire se mêle celle d’un père souffrant dont on voit l’état s’empirer en l’espace de peu de temps. Le spectateur assiste au combat de sa fille et de son ex-femme pour trouver un EHPAD convenable et abordable pour leur père et ex-mari, ce qui représente le combat de la majorité des familles devant faire face à la dégénérescence de leurs parents ou grands-parents se rapprochant de la fin de vie. Une fille face à son père qui ne la reconnaît plus, qui ne la voit plus, qui ne voit plus ni la longueur de ses cheveux ni l’énergie qu’elle lui dévoue. Une fille qui ne reconnaît plus son père et qui ne voit en lui plus qu’un corps vieilli, sa bibliothèque gardant la mémoire de son esprit.
Les personnages principaux entretiennent ainsi tous de manière totalement différente un rapport spécifique à l’oubli. Pascal, le père, se trouvant sur le point de mourir, oublie malgré lui son passé du fait de son état dégénératif. Mais même lorsque sa fille lui rappelle des souvenirs, celui-ci souffre et refuse de se rappeler, conscient que ces récits appartiennent au passé. La maladie prend le dessus sur l’homme qu’il est resté, et l’acteur joue à la perfection cet assujettissement. Son ex-épouse aussi souhaite oublier, non pas parce qu’elle va mourir et qu’elle ne pourra plus vivre comme dans ses souvenirs, mais parce qu’elle est tournée vers l’avenir et souhaite tourner la page sur son passé. Quant à Sandra et sa fille, aucune n’évoque le père de l’enfant, son souvenir est totalement absent du film, l’information de son décès survenant presque par hasard au milieu d’une conversation. Un Beau matin rappelle la complexité du rapport à l’oubli pour tous, quels que soient leur histoire et leur passé, même pour ceux qui mènent une vie relativement simple. Un Beau matin est un film sur la vérité de la vie, une oeuvre qui touche toutes les générations et questionne profondément le rapport au passé.
RÉALISATEUR : Mia Hansen-Løve NATIONALITÉ : française AVEC : Léa Seydoux, Pascal Greggory, Melvil Poupaud GENRE : Drame, Romance DURÉE : 1h52 DISTRIBUTEUR : Les Films du Losange SORTIE LE 5 octobre 2022