Le documentaire Mizrahim, les oubliés de la Terre promise a été repéré aux festivals de Venise et de Cinemed à Montpellier en 2021. Il concourt désormais au festival international du film politique de Carcassonne, replaçant au centre de la scène du film politique les questions de luttes sociales.
Les oubliés de la Terre Promise constitue donc la résultante harmonieuse entre une histoire de famille, une autre de domination et de rejet, et une étude sociologique surplombant tout cela.
Après avoir réalisé Odessa… Odessa ! (2005) et La terre outragée (2012), Michale Boganim utilise son histoire familiale pour témoigner du vécu des Mizrahim, les oubliés de l’État d’Israël. Mizrahim est le nom donné par les israéliens aux juifs venus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient qui ont été victimes au moment de leur arrivée à la Terre Promise de discriminations systémiques. Un mouvement révolutionnaire a ainsi émergé et s’est manifesté dans les années 70. Michale Boganim doit faire face à la mort de son père, ancien membre de ce mouvement de révolte, et décide, pour ce faire, d’aller à la rencontre de plusieurs générations de Mizrahim. Son récit est fondé sur le modèle d’un road-movie, permettant à la réalisatrice et au spectateur de découvrir les villes habitées par les Mizrahim tout en suivant une évolution chronologique. La toile de fond est l’histoire de son père, arrivant en tant que Juif marocain en Israël dans l’espoir d’y trouver un lieu de vie. La réalisatrice retrace alors le parcours de son père en traversant les villes marquées par le passage de sa famille. Par ce biais, elle offre un témoignage du destin de la communauté, dont les membres sont venus en Israël dans l’espoir d’y trouver un terrain de paix et d’égalité. Or, cet espoir se transforme vite en utopie et ils ne trouveront sur ce terrain que domination et exploitation. Elle décrit le rejet et l’exclusion de générations entières dont elle prend connaissance à travers des récits de vie qu’elle recueille au cours de son voyage auprès d’individus ayant vu leur rêve brisé, comme l’a été celui de son père.
On ne peut qu’admirer la maîtrise de l’art de la démonstration faisant l’objet de ce film. Avec puissance et déchirements, le spectateur voit ce qu’il ne veut pas voir : des élèves brillants refusés à de grandes écoles dont ils ont pourtant réussi les concours d’entrée, des enfants enlevés à leurs mères, et ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres. La réalisatrice met en lumière l’instrumentalisation des Mizrahim pour créer une classe de prolétaires et montre comment la guerre a tué les combats sociaux. Ainsi, elle fait renaître de ses cendres une histoire enterrée par le biais d’une reconstruction historique.
Ce qui est particulièrement intéressant est la métaphore faite entre les voyages de son père et ses déplacements personnels qui, lorsqu’elle était encore enfant, l’ont amené à vivre à Arcueil, une nouvelle périphérie en France. Par ce biais, la réalisatrice universalise la problématique de l’exclusion sociale. En effet, que ce soit les Mizrahim ou les banlieusards, tous subissent la marginalisation sociale au sein d’un même État, ce qui l’amène à conclure à l’impossible cohésion sociale.
Les oubliés de la Terre Promise constitue donc la résultante harmonieuse entre une histoire de famille, une autre de domination et de rejet, et une étude sociologique surplombant tout cela.
RÉALISATEUR : Michale Boganim NATIONALITÉ : Maroko-ukrainienne AVEC : GENRE : Documentaire DURÉE : 1h33 DISTRIBUTEUR : Dulac Distribution SORTIE LE 8 juin 2022