La vengeance est un plat qui se mange froid. Dans The Northman du cinéaste américain Robert Eggers, remarqué avec The Witch et The Lighthouse, la célèbre expression prend un sens tout particulier : la revanche est amère. L’amour fend le roc, quelle passion suivre ? Entre le cœur et la rancune, l’accent Shakespearien n’est pas loin et pour cause, il s’agit d’une adaptation libre de la légende scandinave d’Amleth. Une singulière épopée ésotérique où la bestialité humaine se fond dans le divin. Une autre idée du blockbuster, entre intimité et spectaculaire.
Au Xe siècle, le roi nordique Horvendill (Ethan Hawke) règne sur son royaume insulaire. Guerrier et inflexible, il prépare son fils, le prince Amleth (Alexander Skarsgård), à prendre sa relève. Une succession qu’il espère sanglante : il veut succomber d’une lame. Lors d’une cérémonie mystique, il demande à son fils de le venger, quoi qu’il en coûte. Le destin met rapidement à l’épreuve Amleth : à peine devenu homme, son père meurt sous ses yeux, lâchement tué par son oncle, Fjölnir (Claes Bang). Etant héritier du trône, le jeune homme est naturellement le suivant sur la liste. Il parvient toutefois à s’échapper à bord d’une barque, le début d’un long périple, loin de ses terres. Deux décennies plus tard, il n’est plus que l’ombre de lui-même : devenu un guerrier viking, il répand tristesse et terreur avec ses frères berserkir. Lors du pillage d’un village, il fait la rencontre d’une devineresse qui lui rappelle sa promesse. Après un long exil, il décide de retourner chez lui. Avec l’aide d’Olga (Anya Taylor-Joy), une jeune esclave, il parvient à infiltrer la ferme où vivent son oncle… et sa mère, la reine Gudrun (Nicole Kidman). Enfin, il peut goûter sa vengeance.
Un récit d’immersion, éprouvant, impressionnant et maîtrisé, à vivre absolument au cinéma
Mélange heureux de légendes scandinaves médiévales et de mythologie nordique, le film s’inscrit dans un univers où le surnaturel se mêle à la réalité. Un aspect récurrent dans le cinéma de Robert Eggers, avide de coutumes et de croyances passées. Là où le phare de The Lighthouse était un terrain de jeu terriblement masculin, il redonne de la place à la féminité avec deux personnages forts : Gudrun et Olga. Contrairement à The Witch qui abordait l’éveil féminin et l’autorité paternelle, ici il est question de solidarité, d’un destin commun, contrarié ou non par la nature sauvage des hommes. Ils se rêvent loup et ours, hurlent à gorge déployée et jouent de leurs voix granuleuses, eux, si prompts à la gravité dans ce récit très premier degré. Tout est affaire de texture, de représentation et de survie.
La force de The Northman ne vient pas de son cheminent scénaristique, relativement banal et mutique, mais de son incarnation : à la manière d’une pièce de théâtre, le cinéaste chorégraphie et soigne le moindre plan. Le film est marqué par un réel sens de la composition, de la fulgurance visuelle et sonore. Une véritable odyssée, tantôt naturaliste, tantôt onirique, où la rugosité côtoie le merveilleux. La bande originale, composée avec des instruments d’époque, contribue grandement à l’expérience proposée par Robert Eggers. On pense notamment aux chants gutturaux, profonds et mystiques. Un récit d’immersion, éprouvant, impressionnant et maîtrisé, à vivre absolument au cinéma.
RÉALISATEUR : Robert Eggers NATIONALITÉ : Américain AVEC : Alexander Skarsgård, Nicole Kidman, Claes Bang GENRE : Historique, action DURÉE : 2h17 DISTRIBUTEUR : Universal Pictures International France SORTIE LE 11 mai 2022