L’Etrange Festival jette ses derniers feux pour sa 26ème édition et réveille les trublions Noé et Mandico pour donner des électrochocs à ses festivaliers. Mais comme vous le verrez, les provocateurs étaient un peu fatigués…A part cela, nous avions droit ce samedi aux sessions de rattrapage de films que nous avions déjà vus pendant la semaine : Spree, Impetigore et Hunted…
Or il restait Random Acts of violence, que nous avions manqué lors de sa première projection. Ce premier film du comédien Jay Baruchel (vous avez certainement déjà vu sa tête de ravi de la crèche dans Tonnerre sous les Tropiques ou C’est la fin) raconte la tournée promotionnelle d’un auteur de comics books horrifiques Slasherman qui finit par se retrouver en proie avec le véritable Slasherman. Plutôt bien réalisé, le film voudrait mettre en place une réflexion à travers la mise en abyme du cas d’un auteur. Est-il responsable de ce qu’il écrit et des conséquences de ses comics dans la vie réelle. Or Baruchel finit par préférer le divertissement pur à la réflexivité de son histoire, ce qui est un comble par rapport aux potentialités de son histoire. Au lieu de se lancer sur les traces de Shining, Random Acts of violence sera rangé dans les séries B ordinaires, anecdotiques et peu mémorables, engendrant l’indifférence plus qu’autre chose.
Or si un metteur en scène engendre tout sauf l’indifférence, c’est bien Gaspar Noé. En témoignait la longue file d’attente qui patientait devant les portes de la salle 500, plus d’une heure avant le début de la séance, cas unique depuis le début de cette édition de l’Etrange Festival. Certes Gaspar Noé avait promis une surprise. Il est ainsi venu présenter sans l’ombre d’un masque Lux Aeterna son nouveau film, en compagnie de Béatrice Dalle, manifestement ravie d’être là. Les deux paraissaient rayonner de santé, d’humour et de bonne humeur. Il en était un peu autrement de leur film. La surprise annoncée par Gaspar consistait en dix minutes d’images du Calvaire du Christ présentées avec une lumière blanche stroboscopique, sorte de prélude au moyen métrage qui allait suivre, Lux Aeterna ne faisant que cinquante minutes environ.
Que dire de Lux Aeterna? C’est un mélange de conversations à bâtons rompus entre Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg (pour sa première partie), d’images d’un tournage houleux où Dalle, réalisatrice, a engagé Gainsbourg pour jouer un substitut du Christ, entouré de deux autres crucifiées dont Abbey Lee, le top model de The Neon Demon, (pour sa deuxième partie), et enfin d’un final stroboscopique de Charlotte souffrant sur sa croix. Le tout est filmé la plupart du temps en split-screen et en numérique, étant entrecoupé de citations de grands maîtres de la mise en scène sur la pureté de l’art du cinéma, Jean-Luc (Godard), Carl Th (Dreyer) ou Rainer Werner (Fassbinder). Quasiment pas d’histoire, solennité et manque d’humour, on n’est pas très loin de la pure arnaque artistique, Noé se trouvant ridiculement loin de ses prétendus modèles et pourtant on ne garde pas forcément un mauvais souvenir de Lux Aeterna, comme si Noé avait fait un essai cinématographique, une espèce de non-film pour mieux repartir à zéro dans son oeuvre.
Pour se remettre de l’expérience Lux Aeterna, on est heureusement tombés sur Fried Barry. Nous avions manqué cet Ovni cinématographique lors de sa première projection le vendredi 4. De bons échos nous en sont parvenus depuis et nous nous étions promis de réparer cette omission. Bien nous en a pris. Fried Barry est un excellent film roboratif où Barry, héroïnomane, se fait enlever par des extra-terrestres et revient complètement chamboulé…Ce film d’Afrique du Sud conte donc les aventures picaresque de Barry, fécondant une prostituée, se trouvant accusé à tort de pédophilie, en butte aux sollicitations sexuelles des femmes et des hommes. Fried Barry ressemble un peu à un croisement entre Bad Boy Bubby, le film culte de Rolf de Heer et Under the Skin de Jonathan Glazer, deux oeuvres où le personnage principal découvre notre monde avec des yeux neufs, ceux d’un enfant ou d’un extra-terrestre. Ryan Kruger, le metteur en scène, y dresse le constat d’un monde terrifiant, avec un humour sardonique et conclut finalement par un hymne à la tolérance, réconciliant les deux compagnes de Barry. Fried Barry s’impose comme l’une des meilleures surprises de cet Etrange Festival, l’un des cinq films qu’il ne fallait pas manquer et donc un sérieux outsider pour le Prix du Public.
Car dimanche sera l’occasion de remettre les Prix du Public et les Prix Nouveaux Genre de la compétition. N’ayant pas vu toutes les séances des courts métrages, on ne se prononcera guère, même si on se doute que le Prix Nouveau Genre ou le Prix du Public récompensera, en raison de sa secte de fidèles adorateurs, Bertrand Mandico, cinéaste surestimé (Les Garçons sauvages avait été porté aux nues uniquement par l’ancienne rédaction des Cahiers du Cinéma), pourtant en perte de vitesse et d’inspiration avec l’exsangue The Return of Tragedy. Hot Dog des cinéastes Marleen Valien et Alma Budekke nous avait paru d’une plus grande vitalité. Le Prix du Public Long métrage et Le Prix Nouveau Genre mettaient en compétition A Dark dark man, Amulet, Destruction finale, Fanny Lye Deliver’d, Fried Barry, Get the Hell out, Kajillionnaire, Possessor, Random Acts of Violence, Relic, Spree, Sputnik, The Owners et Tomiris. Pour le long métrage, a priori les prix devraient se jouer entre Kajillionaire de Miranda July et Relic de Natalie Erika James, avec peut-être une grosse surprise du côté du Prix du Public pour Fried Barry de Ryan Kruger. Verdict ce soir!