Pornographie, sens : représentation artistique délibérée de choses obscènes et le caractère qui en découle, soit ce qui blesse le sens esthétique ou moral. mais… quand, comment et selon qui ? Voici le jouissif (parfois facile) Bad Luck Banging or loony porn, Ours d’or au Festival de Berlin 2021, film tourné en plein covid, constitué de trois parties, scandé par le Eh Toto de Bobby Lapointe, qui raconte l’histoire d’Emi (Katia Pascariu), professeur d’histoire, qui s’éclate au pieu avec son mari Eugène – en hors-champ permanent sauf de ses parties –, lequel a filmé la scène et a eu la bonne idée d’aller faire réparer l’ordinateur contenant la sextape. Diffusion des obscénités ? Pornographie ? Radiation oblige ? Attente…
Emi, une enseignante, voit sa carrière et sa réputation menacées après la diffusion sur Internet d’une sextape tournée avec son mari. Forcée de rencontrer les parents d’élèves qui exigent son renvoi, Emi refuse de céder à leur pression, et questionne alors la place de l’obscénité dans nos sociétés.
Le Mal est juste partout, mais on ne le voit plus, car il n’est pas dans la jouissance consentie mais dans la dictature des cons nantis… toujours masqués, Covid oblige…
La première partie intitulée « Voie à sens unique » nous promène à travers Bucarest auprès de l’héroïne, démarche pataude et éloignée de la super girl à la perruque rose excitante, une femme de tous les jours, dans l’attente des effets de la diffusion de la vidéo pourtant intime et personnelle. Incroyable, longue et lente traversée de la ville, Emi reste quasi impassible malgré son état critique et son besoin d’un seul Xanax. Ce sont des plans sur des affiches publicitaires de grandes marques (Coca Cola), de commerces (poupées mère Barbie au supermarché), annonces de spectacles débiles (chippendales ou sumos roumains) comme à la fois, addicts aux boites à jeux vidéo ou marchés qui diffusent l’air du temps plus que l’odeur des fleurs, travaux urbains en cours face aux ruines de monuments patrimoniaux (un ancien cinéma) : état des lieux d’une Bucarest plus pornographique encore que le couple en question. avec un jeu auprès du regard du spectateur puisque le personnage nous est souvent montré en décalé, le plan préférant le bus, les touristes, les files d’attente… de gens pris par leur téléphone, leur voiture (un drôle de 4/4), personne n’en ayant rien à foutre de personne, et Emi se faisant tour à tour insulter puis brancher. ..
La deuxième partie consiste en un dictionnaire non alphabétique d’anecdotes, de petites et grandes histoires, de signes, pour les nuls (en Histoire), basé sur des images d’archives, un livre d’images (JLG si tu nous vois), tout y passe : politique, origine du cinéma, armée, tradition, religion, écologie, guerre, école, dictature, Art, sexualité, ménagère, littérature… jusqu’à la mise en images de blagues de blonde, soit l’évolution d’une société vers le capitalisme, le numérique et les réseaux sociaux, leur force de frappe, faisant l’objet de la première et de la troisième partie.
La troisième partie elle-même découpée en trois donne à voir la convocation (après un détour au domicile de la Directrice elle-même du lycée) du professeur à la demande des parents, et ses procès possibles, votes à main levée et jugements. ce sont ici des couleurs plus ou moins crasses, éloignées de la grisaille première, dans cette cour scolaire de nature et culture avec ses statues hommages aux grands du monde roumain. Ce sont ici les couleurs de différents corps sociaux représentés par les parents outrés (colonel, entrepreneur, bourgeois) et psycho (rigide, tradi, fasciste, blagueur) qui sont tournés au ridicule tant ils le sont, par leur argumentation hypocrite, rétrograde, mensongère, moralisatrice, comédie je vous aime. si Emi parvient à se défendre (de façon juste, rationnelle, pédagogique) de ces accusations bec et ongles tout en serrant parfois fesses et dents sous le regard faussement bienveillant de l’autorité scolaire, c’est le spectacle final (dont on ne dira rien) qui vient répondre à la première scène du récit, pour faire ravaler leur sale salive aux vrai.e.s cochon.ne.s. : grotesque mais plus sublime mise en image du déni moins (ou plus faut voir) comique que cosmique. cf… avec son art du coq-à-l’âne qui fait bien cerner qui sont les coqs et qui sont les ânes…
Voici un film déjanté pour celui qui a (déjà) déchanté, et un procès cinématographique en bonne et due forme, version farcesque et roumaine de ceux de Kafka, à dénoncer de véritables scandales humains trop humains, anciens ou qui perdurent, permanents ou en progrès : ceux du totalitarisme, du populisme, de l’antisémitisme, de la démagogie, du néo-libéralisme. vous dites le film subversif ? Non c’est juste une balade dans les abysses du réel, tout en (fausse) joie. Radu Jude est un humain dans un monde de monstres considérés comme plus humains… L’occasion ici de relire La Banalité du Mal d’Arendt, car il est juste partout, mais on ne le voit plus, car il n’est pas dans la jouissance consentie mais dans la dictature des cons nantis… toujours masqués, Covid oblige… P.S. : juste, la différence entre eux et elle, sa liberté et son courage ! du cinéma quoi, soit, dans la discipline, de la vérité…
RÉALISATEUR : Radu Jude NATIONALITÉ : roumaine AVEC : Katia Pascariu, Claudia Ieremia, Olimpia Mălai GENRE : comédie DURÉE : 1h46 DISTRIBUTEUR : Météore Films SORTIE LE 15 décembre 2021