Le réalisateur suisse Jan Gassmann revient à Cannes pour la deuxième fois avec 99 moons, un film portant sur l’évolution au fil des lunes d’une relation atypique d’un couple accro au sexe. Bigna est chercheuse spécialisée sur la prévention des tsunamis, Franck travaille dans une boîte de nuit au concept innovant ; rien ne prédispose leurs chemins à se croiser. Ils se rencontrent du fait de leur addiction commune au sexe violent. S’ils sont au départ partenaires sexuels, ils vont au fil du temps finir par s’aimer. Néanmoins, leur sexualité débridée ne les abandonnera jamais. S’ils se séparent rapidement, un jeu de fuite et de quête irrésistible de l’autre se met rapidement en place.
99 moons n’est pas un film consensuel. La narration évolue au fil des lunes, passant d’années en années en en mettant certaines sous silence. Ainsi le spectateur est face à une série de séquences entrecoupées d’éclipses. Cette construction particulière qui donne tout son sens au titre du film est un exercice de style intéressant et un bon moyen de captiver le spectateur : après avoir sauté plusieurs lunes, le désir de savoir ce que sont devenus les personnages attise sa curiosité. Néanmoins, le film se perd quelque peu dans cet enchaînement de séquences qui finit par lasser. La curiosité s’estompe lorsqu’au bout de quelques séquences, le spectateur comprend que l’histoire sera celle d’un couple qui continue à s’aimer mais dont les perspectives et les volontés d’avenir divergent trop pour permettre une vie commune. Rien de nouveau du côté narratif, et la spécificité de la forme du film semble alors être utilisée pour donner une particularité à une histoire qui ne l’est pas.
99 moons est un film qui incite à la vie pleine et libre, à l’acceptation de ses diverses personnalités à tous les âges.
On suit ainsi l’évolution des deux personnages. Bigna se concentre sur son travail et son existence devient davantage normative. Son partenaire multiplie un temps les expériences sexuelles atypiques, avant de finir par construire une vie de famille stable avec une femme et un enfant. Ainsi 99 moons apporte un regard critique sur les conséquences du temps qui passe sur l’individu. Lorsque celui-ci a une nature ambivalente, comme c’est le cas de Bigna, et vit sereinement de cette manière, le temps et la vieillesse l’oblige à choisir un côté de sa personnalité et de taire l’autre. C’est ainsi que Bigna, névrosée sexuelle mais aussi passionnée par son métier, fait le choix de s’investir dans son métier. Elle devient une célèbre chercheuse, sa vie professionnelle est une réussite, mais elle a enfoui sa sexualité et choisi un unique aspect de sa personnalité au lieu de vivre avec les deux. Il en est de même pour Frank, pareillement névrosé, qui fonde une vie de famille et enterre son passé. Au final, leur soif de sexe ne se fait plus ressentir que lorsqu’ils se croisent où leurs désirs enfouis refont surface. Cela montre bien qu’il n’existe pas de temps qui passe qui assagirait les hommes, mais bien une incapacité de ces derniers à accepter pleinement leurs personnalités et continuer à les revendiquer au fil des années.
99 moons est un film qui incite à la vie pleine et libre, à l’acceptation de ses diverses personnalités à tous les âges. La jeunesse ne devrait pas être un moment de liberté précédant l’âge adulte, mais un moment de découverte de soi pour pouvoir exprimer de plus en plus ses désirs au fil du temps.
RÉALISATEUR : Jan Gassmann NATIONALITÉ : Suisse AVEC : Valentina Di Pace, Dominik Fellmann GENRE : Drame DURÉE : 1h50 DISTRIBUTEUR : La Vingt-Cinquième Heure SORTIE LE 10 mai 2023