53ème Quinzaine des réalisateurs : Carrère à la barre dans une sélection très européenne

Au lendemain de la présentation des titres retenus pour la Semaine de la Critique, la sélection de la Quinzaine des réalisateurs a été dévoilée ce midi au Forum des Images par Paolo Moretti, dirigeant de la Quinzaine, et par son comité de sélection. Réunissant 26 longs métrages (dont huit premiers films) ainsi que 9 courts-métrages, la Quinzaine se tiendra du 7 au 17 juillet, en parallèle de la compétition officielle du Festival de Cannes.

Sélection parallèle non compétitive, la Quinzaine des Réalisateurs est comme un deuxième festival de Cannes dans Cannes : attachée à mettre en valeur des réalisateurs de tous les horizons et de tous les styles et des pratiques du cinéma originales comme populaires, la Quinzaine des réalisateurs propose chaque année une sélection de films variée mais exigeante. Lors de sa 51ème édition en 2019, la Quinzaine avait ainsi célébré des films populaires comme Le Daim de Quentin Dupieux, des films plus expérimentaux comme The Lighthouse de Robert Eggers ou encore le documentaire engagé On va tout péter de Lech Kowalski. Cette année, le jury de sélection a sélectionné pas moins de 24 longs-métrages, qui seront accompagnés d’un long-métrage en séance spéciale et du long-métrage récompensé du Carosse d’Or, célébrant chaque année un ou une réalisatrice pour l’importance significative de sa production dans l’histoire du cinéma. Cette année, c’est le réalisateur et documentariste américain Frederick Wiseman qui sera distingué par ses pairs pour son regard critique porté sur la société américaine et sa méthode de tournage unique, jouant sur le temps long et refusant d’emprunter des trames narratives ou spectaculaires convenues : à cette occasion sera projeté Monrova, Indiana, un de ses films les plus importants.

Deux films tirent leur épingle du jeu dans cette sélection. À l’ouverture de la Quinzaine, Ouistreham (Between Two Worlds) d’Emmanuel Carrère devrait en intéresser plus d’un : assurément l’un des écrivains français les plus célébrés de nos jours, l’auteur de L’adversaire, qui n’en est plus à son coup d’essai pour le cinéma comme la télévision, filmera Juliette Binoche dans le rôle d’une écrivaine s’improvisant femme de ménage dans un ferry pour s’immerger dans le monde du travail précaire, d’après un récit autobiographique de la journaliste Florence Aubenas. De son côté, le film italien à six mains Futura apparaît plus que prometteur : il réunira Pietro Marcello, le réalisateur de l’adaptation de Martin Eden de Jack London, ainsi que Francesco Munzi, réalisateur célébré à la Mostra de Venise pour Les Âmes noires en 2014, et Alice Rohrwacher, une habituée de la Croisette qui a entre autres été membre du jury du Festival de Cannes 2019. Deux films qui ne manqueront pas d’attirer nombre de festivaliers.

Du côté des films peut-être moins attendus mais tout aussi prometteurs, on gardera un œil sur le réalisateur Radu Muntean qui, avec Întregalde, viendra défendre le nouveau cinéma roumain à Cannes. On prêtera aussi attention à deux premiers films mettant en avant des jeunes cinéastes français : Les Magnétiques (Magnetic Beats), le premier film de Vincent Maël Cardona, ancien diplômé de la Fémis, et Luaneshat e kodrës (La Colline où rugissent les lionnes), réalisé par Luàna Bajrami, actrice nommée aux César 2020 du meilleur espoir féminin pour son rôle de servante dans Portrait de la Jeune Fille en Feu de Céline Sciamma. Avec un long métrage dans la sélection (The Souvenir part II) et un long métrage en séance spéciale (The Souvenir), la réalisatrice britannique Joanna Hogg aura aussi une place d’honneur dans cette 53ème édition. Enfin, le deuxième long métrage de la réalisatrice française Rachel Lang, Mon légionnaire (Our men), dont le scénario a été soutenu par une aide à la création de la Fondation Gan pour le cinéma en 2018, fermera cette 53ème édition de la Quinzaine des Réalisateurs.

Du côté des courts métrages, on retrouve deux films d’animation avec Anxious Body de Yoriko Mizushiri et The Windshield Wiper d’Alberto Mielgo, réalisateur d’un épisode de la série Netflix Love, Death & Robots. Dans Simone est Partie, Mathilde Chavanne mettra en scène de jeunes acteurs tentant d’incarner les derniers moments de ses grands-parents. Les connaisseurs d’arts plastiques pourront voir The Parents’ Room (La Chambre des parents), un court métrage de l’artiste italien Diego Marcon ; de son côté, le cinéaste avant-gardiste autrichien Peter Tscherkassky projettera à la Croisette sa dernière œuvre, Train Again. Une sélection de courts-métrages qui met donc à l’honneur des pratiques artistiques et plastiques moins courantes dans les longs métrages et qui devrait intriguer celles et ceux qui s’intéressent au théâtre ainsi qu’à la performance et aux arts plastiques.

Si la sélection dans son ensemble propose un grand nombre de films, elle paraît cependant quelques peu déséquilibrée en termes de provenance des films, avec très peu de candidats originaires d’Asie ou d’Afrique et beaucoup de cinéastes européens. Pour les longs métrages, cette édition proposera 12 réalisatrices sur un total de 29 réalisateurs et réalisatrices, une proportion plutôt faible qui semble s’aligner avec le nombre d’autrices retenues pour les autres compétitions de la Croisette.

Si la Quinzaine n’est pas compétitive, les films sélectionnés seront éligibles à différents prix : Le Label Europa Cinemas, remis par un jury d’exploitants membre d’Europa Cinema, aidera à la distribution européenne un des films sélectionnés ; le prix SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) de la Quinzaine des Réalisateurs récompensera un auteur se distinguant pour son approche novatrice du cinéma ; le prix Illy du court-métrage distinguera l’un des neuf courts métrages sélectionnés. Les films récompensés seront connus les deux derniers jours du festival, avant la clôture de la Quinzaine des Réalisateurs, le 17 juillet.

Longs métrages

A Chiara de Jonas Carpignano
A Night of Knowing Nothing de Payal Kapadia (Premier film)
Ali & Ava de Clio Barnard
Clara Sola de Nathalie Álvarez Mesen (Premier film)
De bas étage (A Brighter Tomorrow) de Yassine Qnia (Premier film)
Diários de Otsoga  (Journal de Tûoa, The Tsugua Diaries) de Miguel Gomes, Maureen Fazendeiro
El empleado y el patron (L’Employeur et l’employé, The Employer and the Employee) de Manuel Nieto Zas
Entre les vagues (The Braves) d’Anaïs Volpé
Europa de Haider Rashid
Futura de Pietro Marcello, Francesco Munzi, Alice Rohrwacher 
Întregalde de Radu Muntean 
Jadde khaki  (Hit the Road) de Panah Panahi (Premier film)
Les Magnétiques (Magnetic Beats) de Vincent Maël Cardona (Premier film)
Luaneshat e kodrës (La Colline où rugissent les lionnes, The Hill where Lionesses Roar) de Luàna Bajrami (Premier film)
Medusa d’Anita Rocha da Silveira
Mon légionnaire (Our Men) de Rachel Lang (Film de clôture)
Murina d’Antoneta Alamat Kusijanović (Premier film)
Neptune Frost de Saul Williams, Anisia Uzeyman  
Ouistreham (Between Two Worlds) d’Emmanuel Carrère (Film d’ouverture)
Re Granchio (La Légende du Roi Crabe, The Tale of King Crab) d’Alessio Rigo de Righi, Matteo Zoppis 
Retour à Reims (Fragments) – (Returning to Reims (Fragments) de Jean-Gabriel Périot 
The Souvenir Part II de Joanna Hogg
Yong an zhen gu shi ji (Ripples of Life) de Shujun Wei 
البحر أمامكم (Face à la mer, The Sea Ahead) d’Ely Dagher (Premier film)

Séance spéciale

The Souvenir de Joanna Hogg 

Courts métrages

Anxious Body de Yoriko Mizushiri
El Espacio sideral (The Sidereal Space) de Sebastián Schjaer
Simone est partie (Simone Is Gone) de Mathilde Chavanne
Sycorax de Lois Patiño, Matías Piñeiro
The Parents’ Room (La Chambre des parents) de Diego Marcon 
The Vandal d’Eddie Alcazar
The Windshield Wiper d’Alberto Mielgo
Train Again de Peter Tscherkassky
When Night Meets Dawn (Quand la Nuit rencontre l’Aube) d’Andreea Cristina Borțun

Carosse d’or

Monrovia, Indiana de Frederick Wiseman