Tim Fehlbaum s’était fait connaître à la Berlinale 2021, en présentant en avant-première mondiale La Colonie, son long-métrage de science-fiction mettant en scène l’humanité face à sa propre destruction. Avec 5 septembre, le cinéaste suisse continue son introspection de l’être humain et de sa complexité en racontant la vie d’une équipe de télévision couvrant presque malgré elle un événement dramatique. Le film fait preuve d’une grande précision pour illustrer le travail d’urgence des journalistes, des techniques de diffusion de l’époque aux choix de conscience qui reflètent aisément une critique aiguë des chaînes d’information en continu qui inondent le paysage audiovisuel d’aujourd’hui.
Lors des Jeux Olympiques de Munich de 1972, l’équipe de télévision américaine ABC se voit contrainte d’interrompre subitement la diffusion des compétitions, pour couvrir la prise d’otages en direct d’athlètes israéliens. L’ambitieux producteur Geoff (John Magaro) veut faire ses preuves auprès de Roone Arledge (Peter Sarsgaard), son patron et légendaire directeur de télévision. Avec sa collègue et interprète allemande Marianne (Leonie Benesch) et son mentor Marvin Bader (Ben Chaplin), Geoff va se retrouver confronté aux dilemmes de l’information en continu et de la moralité.
5 septembre remet l’église au centre du village en plaçant le spectateur au cœur de la pression et de la réflexion éditoriale
Grosses caméras, matériel analogique, environnement principalement masculin : Tim Fehlbaum retranscrit à merveille l’ambiance d’une équipe de télévision des années 70, en s’aidant également d’un grain à l’image qui ancre chaque plan à l’époque des JO de Munich. Les techniques de prise de l’image, du son ou de gestion du direct à la télévision ont tellement évolué depuis 50 ans qu’il est passionnant de découvrir les méthodes, magouilles et autres astuces du producteur et des journalistes reporters d’images pour couvrir un événement imprévu en direct, retransmis dans le monde entier. Pendant 1h35, on respire au rythme de la prise d’otages et de sa couverture médiatique, avec son lot de succès journalistiques, d’échecs et de drames.
Les événements des Jeux Olympiques de Munich restent tristement célèbres de par l’échec des autorités allemandes à sauver les otages israéliens. Contrairement à Munich de Steven Spielberg qui se focalisait surtout sur les conséquences de cette tragédie, – les attentats terroristes du Mossad -, 5 septembre s’intéresse à la couverture de l’événement. Tim Fehlbaum semble avoir largement saisi l’ampleur de couvrir un tel drame en s’attardant sur les discussions éditoriales parfois vives entre le producteur, le patron et le rédacteur en chef : en tant que seule chaîne au monde à pouvoir couvrir l’événement en direct à la télévision, faut-il tout montrer aux téléspectateurs ? À qui profite réellement cette surmédiatisation presque malsaine ? En restant suspendues tout au long du film, ces questions interrogent intérieurement chaque spectateur, particulièrement ceux habitués aux réseaux sociaux et aux chaînes d’information en continu, où il n’est pas rare qu’une info soit contredite ailleurs peu de temps après sa diffusion car erronée, trop partiale ou incomplète.
Intense, réfléchi et plutôt audacieux dans sa manière de sacraliser le traitement de l’information à l’heure des fake news et des chaînes partisanes, 5 septembre remet l’église au centre du village en plaçant le spectateur au cœur de la pression et de la réflexion éditoriale, tout en traitant avec pudeur du drame qui a touché les athlètes israéliens dans une Allemagne de l’Ouest qui souhaitait laisser derrière elle les fantômes et les plaies du nazisme.
RÉALISATEUR : Tim Fehlbaum NATIONALITÉ : Germano-américaine GENRE : Drame AVEC : John Magaro, Peter Sarsgaard, Leonie Benesch, Ben Chaplin DURÉE : 1h35 DISTRIBUTEUR : Paramount Pictures France SORTIE LE 5 février 2025