3 kilomètres jusqu’à la fin du monde: l’homophobie dans toute sa splendeur

Le Roumain Emanuel Parvu fait sa première entrée en Sélection officielle en compétition avec 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde, qui relate le violent rejet subi par un jeune homme homosexuel au fin fond de la Roumanie. Percutant et direct, le film ne fait pas que dresser le constat d’un pays assez peu ouvert, puisqu’il parle principalement de l’état d’esprit d’un garçon qui assume son orientation mais subit les diktats rigides de sa famille et de l’institution religieuse.

Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.

Emanuel Parvu réussit sa première incursion au Festival de Cannes en proposant une œuvre qui émeut par son aspect brut et par l’évocation des rigidités existantes.

Être homosexuel n’est pas chose aisée, comme partout dans le monde d’ailleurs, et surtout en Roumanie, territoire très strict sur le sujet de l’homosexualité. Emanuel Parvu se lance dans de terribles constatations sur ce pays qui est le sien, à propos d’une partie de la population qui n’exprime pas des sentiments de tolérance ou de bienveillance, loin de là. Il suffit d’une seule liaison homosexuelle pour que toute l’opinion s’embrase, en particulier la petite localité roumaine située dans le delta du Danube, là où vit justement Adi. Un visage amoché se dévoile à l’écran. Dès lors, le cinéaste choisit courageusement de dénoncer les effets dévastateurs de l’homophobie, et ne lésine pas sur les moyens, quitte à être parfois provocant. Pour les habitants, cette orientation sexuelle est une maladie, un terme douloureusement audible pour beaucoup, mais surtout répandu dans les zones populaires et christianisées. Le cinéaste filme un calvaire, entre séquestration et intervention de l’Église, pour signifier que c’est un Mal qui doit être combattu. En tout cas, le chemin de croix enduré par le pauvre étudiant est éprouvant pour le spectateur qui voit défiler toutes les déviances humaines, avec cette famille attachée aux principes religieux.

Volontairement choquant, 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde n’évite pas certains clichés, mais arrive à provoquer l’indignation.

Ce qu’il faut retenir de ce film, c’est surtout le niveau de résilience affiché par le jeune homme qui se retrouve en butte à l’hostilité de sa famille, et aussi des autorités locales qui affichent une certaine complaisance pour les agresseurs homophobes. Emanuel Parvu fait de cette petite ville un bastion de l’homophobie dans toute sa splendeur, avec une police qui protège les forts et néglige les faibles. Au milieu d’une ambiance qui lui est totalement défavorable, Adi n’a pas d’autre choix que de s’extirper de ce climat. Le réalisateur maîtrise son sujet, parvient à faire monter la tension et à bien décrire l’étau qui se resserre sur le jeune adulte, pour qui sa compassion est parfaitement évidente. Une juste réflexion ressort de ce film, celle de connaître l’état des mentalités dans la Roumanie actuelle. 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde expose des faits réels et dramatiques puis prouve que l’homophobie est ainsi encore et toujours un fléau. Comme Cristian Mungiu et Quatre mois, trois semaines, deux jours, le film d’Emanuel Parvu parle des interdits et de la volonté d’aller au-delà des lois, de contourner les législations. C’est presque un cinéma du réel que propose ce long-métrage.

3.5

RÉALISATEUR : Emanuel Parvu
NATIONALITÉ :  Roumanie
GENRE : Drame
AVEC :  Bogdan Dumitrache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu
DURÉE : 1h45
DISTRIBUTEUR : Memento Distribution
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