En ce début d’année 2023, le cinéma français continue de distiller des œuvres attachantes, et 16 ans en est l’exemple parfait. Avec ce film sur un amour solaire mis à mal par des climats familiaux tempétueux, Philippe Lioret (Welcome, Je vais bien, ne t’en fais pas) raconte une relation passionnelle, certes malmenée, mais transcendante et incandescente. 16 ans, l’âge de la construction, celui de l’accès à une maturité adulte, celui de l’insouciance, mais également celui des premières et fortes étreintes amoureuses. Plus qu’un simple récit romantique dévoilant les prémices d’une belle fusion, ce film propose la démonstration du véritable amour voulant s’affranchir des barrières sociétales, et ce malgré les difficultés engendrées par les différences culturelles. En prenant pour socle initial ce binôme sentimental, le cinéaste met en opposition deux milieux sociaux financièrement divergents, où les bienfaits de la mixité sociale restent purement utopiques. À travers l’histoire de ces lycéens vivant leurs émois, Philippe Lioret expose la question du racisme ambiant et celle des mentalités peu enclines à bouleverser les coutumes et à accepter d’autres horizons sociaux. Cette version moderne de Love story est riche en enseignements, et ne peut être que le miroir d’une société divisée… ou l’espoir de vivre dans un environnement multiculturel harmonieux.
Léo et Nora s’attirent, puis tombent amoureux. La joie et l’exaltation s’assombrissent face à des complications annonçant des conséquences dramatiques.
16 ans débute dans un cadre scolaire, dans une classe où les timides regards se croisent, où les sourires trahissent une certaine attirance. Léo et Nora se cherchent à travers les rangées, puis finissent par se rapprocher et se connaître profondément.
Vu comme cela, on pourrait dire que nous sommes face à une amourette adolescente classique, mais il s’agit de quelque chose de plus poussé et plus élaboré. À cette relation naissante vient s’ajouter une trame narrative parallèle, avec l’évocation de deux microcosmes familiaux s’opposant fermement à cette idylle passionnée. Cependant, l’écriture met en évidence un violent antagonisme allant au-delà de la distance sociétale, ainsi qu’un choc des cultures déstabilisant progressivement ces adolescents. Tiraillée entre cet amour unique et un foyer familial soumis aux traditions, la jeune Nora peine à s’émanciper et à trouver sa place dans cet échiquier, tandis que Léo subit les humeurs d’un père à la xénophobie non cachée. Formidablement interprété par Jean-Pierre Lorit, ce paternel carriériste et autoritaire se retrouve au centre de ce récit, en licenciant le frère ainé de Nora, accusé d’avoir volé une bouteille de champagne. Dès lors, ce simple fait devient le déclencheur d’une certaine animosité entre ces deux univers, d’une violence rendant compliquées toutes intentions amoureuses. Le scénario argumente efficacement sur cette collision frontale entre classes divergentes, allant même jusqu’à la description d’un racisme décomplexé venant d’un milieu favorisé, et dédaignant totalement toutes rencontres en dehors des conventions normales. Avec cette famille maghrébine jugeant cette relation interdite et punissant sévèrement une jeune fille désireuse de ressentir de belles émotions intimes, nous voici dans un film touchant, mais dur, où les histoires des petits se font dominer par la présence des grands. Voici ce que résume ce film, avec ces intenses pressions familiales détruisant tout sur leur passage, jusqu’au bien-être des enfants. À bien des égards, ce récit tumultueux ressemble à Love Story, d’Arthur Hiller, la maladie en moins, mais avec la présence de familles dominantes et une opposition marquée entre la richesse et la pauvreté. 16 ans reste un film social, montrant les écarts financiers, mais prônant un message d’acceptation et de tolérance. Par le biais de cet amour brisant les normes ainsi que les a priori, Philippe Lioret touche au cœur en évoquant l’idée d’une société plus juste, égalitaire, fraternelle et moins partagée. Ce film dispense une morale humaine, sensible, toutefois douloureusement utopique.
L’utopisme reste prégnant dans ce film, à cause de ces coutumes traditionnelles, de la place de la femme dans un milieu patriarcal, preuve que le mélange culturel ne fonctionne cependant pas toujours parfaitement. Néanmoins, il se ressent dans la manière dont interagissent ces jeunes lycéens, prêts à anéantir les tabous. De ce Léo ouvert aux connexions sociales provenant de multiples horizons à cette Nora ayant soif de liberté et de bonheur, 16 ans se lance dans une déclaration d’affection, d’amour, de tendresse et d’attachement. Grâce à une impeccable écriture, nous vivons intensivement ce récit, qui nous emmène dans une aventure émouvante voguant contre vents et marées. Amour lumineux, incandescent, solaire, les adjectifs sont nombreux pour qualifier le contenu de ce film réussi. En tout cas, ce qu’il soulève interroge grandement, mais met en lumière la volonté de vivre dans un monde meilleur, en s’affranchissant des règles établies, en faisant abstraction des modèles imposés. Philippe Lioret filme tout cela avec habilité, sincérité et justesse, montrant chaque étreinte avec une grande sensibilité. Surtout, le bouillonnement émotif léger laisse place à une sensation tragique donnant une puissante force insoupçonnée à cette histoire, avec une fin abrupte, mais finalement cohérente. Le cinéaste signe une œuvre remarquable, dont la beauté rejoint celle des plus dignes films sentimentaux, ne laissant aucunement indifférent. Que dire de l’interprétation de Sabrina Levoye et Teilo Azais , exceptionnels dans des compositions si délicates, et dont l’alchimie se devine sur de nombreux plans. Cette nouvelle réalisation de Philippe Lioret possède de sérieuses qualités pour attirer un large public.
RÉALISATEUR : Philippe Lioret NATIONALITÉ :France GENRE : Drame AVEC : Sabrina Levoye, Teilo Azais, Jean-Pierre Lorit, Arsène Mosca, Nassim Lyes DURÉE : 1h34 DISTRIBUTEUR : Paname Distribution SORTIE LE 4 janvier 2023