Una Promessa : humanité en friche

Disponible en DVD et VOD chez Shellac. Bonus DVD : Sept œuvres de miséricorde (2011) et un livret avec des notes des frères De Serio.

S’inscrivant dans le cinéma réaliste italien, le dernier long-métrage des frères De Serio capte avec force et justesse le délitement d’une société minée par les inégalités. Une œuvre de constat, qui dresse le portrait de travailleurs dépouillés de leurs droits, des figures qui s’oublient et disparaissent dans l’indifférence de ceux qui nient leur dignité. Face à cette humanité en berne, un doux espoir sous la forme d’une folle promesse : le retour, pour le jeune Antò, de sa mère disparue.

Quelque part dans le sud de l’Italie, Angela embrasse Giuseppe, son mari, sous le regard de son fils Antò. La mère semble en forme et c’est dans cet état qu’elle quitte sa famille pour aller travailler. Elle s’enfonce dans une ruelle sombre, le jour n’est pas encore levé. Sur le bord d’une route, elle attend comme d’autres un bus pour l’emmener dans une exploitation agricole. Plus tard, un coup de fil anonyme annonce froidement le décès d’Angela, effondrée lors d’une récolte. Une disparition tragique et soudaine, fruit d’une vie éreintante. Il revient désormais au père, borgne depuis un accident sur son lieu de travail, de subvenir aux besoins de son fils. Bien que volontaire, son handicap lui ferme les portes de son ancien métier. On lui propose tout de même une piste : rejoindre l’exploitation agricole où travaillait sa femme. Le choix ne lui appartient plus : il ne peut plus payer l’appartement, il décide donc, en compagnie d’Antò, de monter à son tour dans le bus.

Tirant son récit de la réalité, notamment du décès de la grand-mère des deux réalisateurs en 1956 dans un champ, Una Promessa lie passé et présent, la situation s’étant reproduite en 2015 dans la même région. En évitant soigneusement de tomber dans le larmoyant, l’œuvre tente de réhabiliter la dignité de ces hommes et femmes, véritables esclaves modernes, mais aussi de rendre compte de la rudesse des conditions de travail de ces milliers de saisonniers agricoles, souvent déconsidérés. Dans le film, le travail est usant, répétitif, presque mécanique. Alors que le soleil brûle la peau, il faut toujours aller plus vite et supporter les aboiements des responsables de l’exploitation pour un salaire de misère. Un plongeon permanent, sans salut, où l’oubli de soi devient une manière de rompre avec la douleur. Une précarité que le cadre n’améliore pas : terne, monotone, la nature semble avoir été domptée et n’offre aucune perspective. Le gérant du lieu, un vieil homme lubrique et vicieux, nie toute dignité à l’être humain et à la terre.

Heureusement, le père comme le fils partagent une innocence qui contrebalance avec la brutalité du monde. Une union face à l’adversité, à une réalité rude et injuste. En rencontrant Rosa, une ancienne amie d’Angela, de l’espérance arrive même à germer sur cette terre meurtrie. Comme un fardeau commun, elle aussi souffre d’une disparition. Au détour d’une main sur le visage d’Antò, on retrouve un fils et une mère. C’est dans ces moments partagés, solidaires et sincères que l’œuvre puise son émotion. La délivrance vient du corps, de la force douce de Giuseppe et du courage de son fils. Et entre les deux, Angela, à l’absence lourde et pourtant, comme promis par Giuseppe à son fils, pas irrémédiable. Dans l’attente de ce retour, ils marchent sur ses pas. 

Œuvre politique, Una Promessa fait forte impression. Son récit, réaliste et implacable, dénonce avec force les exploitations agricoles du sud de l’Italie profitant de la précarité ambiante. Un portrait à hauteur d’homme, digne et touchant, qui malgré la dureté de son sujet, ne verse jamais dans le pathos ou le défaitisme. Jusqu’au bout, la promesse d’un autre lendemain.