STRANGER THINGS. (L to R) Natalia Dyer as Nancy Wheeler, Joe Keery as Steve Harrington, Gaten Matarazzo as Dustin Henderson, Maya Hawke as Robin Buckley, Sadie Sink as Max Mayfield, and Caleb McLaughlin as Lucas Sinclair in STRANGER THINGS. Cr. Tina Rowden/Netflix © 2022

Stranger Things Saison 4 Volume 2 : Kate Bush contre le Mal

Lorsque Stranger Things est apparue, on se moquait parfois un peu de ses synthés à la manière de Carpenter, de ses éclairages à la Spielberg, de son casting pré-ado, de son éventail narratif nostalgique, délesté de contexte et de discours politiques. Tout cela semblait flatter les souvenirs d’un public ex-adolescent des années 90, toujours amoureux de Winona Ryder et d’un cinéma révolu. Cinq ans plus tard, on continue à rire dans la série (en particulier grâce à Maya Hawke, promise à un joli avenir, et à Gaten Matarazzo) mais on ne rit plus d’elle. Stranger things est devenue l’une des séries-phares de Netflix et du monde entier, a pu approfondir ses personnages et en les accompagnant, ainsi que les acteurs qui les interprètent, traite et continue de traiter le fameux thème de l’adolescence, avec son cortège de rejets, traumas et impossibilités.

Certes la série continue d’être dépourvue de contexte politique : les Russes sont forcément méchants hormis quelques exceptions et le gouvernement et la police en prennent pour leur grade, loin de la critique sociétale qui pouvait apparaître chez Romero, Craven ou Carpenter. Mais elle s’est recentrée sur l’adolescence et ses tourments, les monstres de la série étant l’incarnation fantasmatique de toutes les peurs de l’adolescence (l’échec, le défaut d’intégration, le sexe, etc.)

Stranger things est devenue l’une des séries-phares de Netflix et du monde entier, a pu approfondir ses personnages et en les accompagnant, ainsi que les acteurs qui les interprètent, traite et continue de traiter le fameux thème de l’adolescence, avec son cortège de rejets, traumas et impossibilités.

Si les deux premières saisons étaient portées par le casting adolescent et une forme d’innocence dans la redécouverte du bréviaire du cinéma fantastique, la troisième marquait un peu le pas avec un méchant manquant de crédibilité, trop prévisible, Billy, et des problématiques beaucoup trop « normales » , (sortir ou ne pas sortir, échapper à l’autorité parentale), tout en étant heureusement sauvée par une idée géniale (la perte des pouvoirs d’Eleven, nécessitant une plus forte solidarité entre les membres du groupe). La troisième saison était apparemment la saison de transition, nécessaire pour donner lieu à cette magnifique quatrième saison qui prend une ampleur nouvelle, en se déroulant non seulement à deux endroits des Etats-Unis mais aussi en Union Soviétique, alors que, jusqu’à présent, toute l’action se déroulait dans la ville de Hawkins. Ce cosmopolitisme soudain donne des allures épiques à la manière de Game of Thrones à ce qui n’était auparavant qu’un classique récit appartenant au genre fantastique.

D’un point de vue narratif, les Duffer sont toujours aussi efficaces, commençant à disperser leurs protagonistes en différents groupes, Joyce à la recherche de Hopper en Union soviétique, Mike, Will, Jonathan en Californie, et tous les autres à Hawkins, avant de les réunir à la fin. Le procédé reste toujours le même, disperser puis rassembler en montrant comment les personnages vont lutter en parallèle contre l’extension du Mal.

Ce qui change, c’est l’âge des protagonistes qui sont sur le point de rentrer dans l’âge adulte, à la limite de quitter l’adolescence. Certes, cette transition se voit de manière émouvante sur le visage des acteurs qui a parfois pas mal changé par rapport à leur version originelle (surtout pour Finn Wolfhard). Ce qui change aussi, ce sont les références évoquées qui passent du divertissement spielbergien au film d’horreur (avec la présence de Robert Englund, le fameux Freddy). Ce qui change surtout, c’est une gravité nouvelle qui renvoie sans forcément les nommer aux abus en tous genres : le harcèlement dont est victime Eleven dans son nouveau lycée, les sévices sous-entendus que Henry a pu endurer (ce que papa a fait), faisant référence à de possibles agressions sexuelles, la dépression généralisée du personnage de Max (remarquable prestation de Sadie Sink) qui devient quasiment le personnage central aux côtés d’Eleven (Millie Bobby Brown, toujours aussi habitée).

Les deux derniers épisodes de cette saison 4 démontrent donc cette ampleur nouvelle de la série : un développement notable sur le plan psychologique (l’épisode Papa) ainsi qu’un gigantisme narratif (le dernier épisode fait plus de 2h20 tandis que tous les autres font en moyenne 1h20 au lieu de 50 minutes lors des saisons précédentes) atteignant une dimension métaphysique : ce n’est plus une créature monstrueuse mais le Mal en personne qu’il faut vaincre, Mal issu de la même origine qu’Eleven.

Cette quatrième saison atteint un pic incontestable avec l’épisode 4, Billy, pour ne plus véritablement redescendre jusqu’à la fin. Les Duffer ont ainsi rendu hommage à l’une des figures les plus géniales et charismatiques de la pop, Kate Bush, en lui faisant littéralement sauver la vie d’un personnage, et en proclamant son aspect bienveillant et salvateur au cours des épisodes suivants. C’est donc une belle métaphore qui est mise en scène, la musique, voire l’art en général, contre le Mal. Devant cette démonstration de nature quasiment nietzschéenne, le spectateur se rend alors compte que Stranger things a indubitablement changé de nature, ce n’est plus une série comme les autres.

4.5

SHOWRUNNERS : Matt et Ross Duffer
NATIONALITÉ : Américaine
AVEC : Millie Bobby Brown, Winona Ryder, David Harbour
GENRE : Fantastique, Science-fiction, Horreur
DURÉE : 2 épisodes d'une heure trente et de deux heures vingt
DIFFUSEUR : Netflix
SORTIE LE 1er juillet 2022