Réaliser une meilleure adaptation du livre de Stephen King que ne l’a été le Running Man (1987) de Paul Michael Glaser : telle était l’ambition d’Edgar Wright en s’emparant de cette œuvre peu connue en France. Et pour cause, sorti quelques années après Le Prix du danger (1983), d’Yves Boisset, le film porté par Arnold Schwarzenegger est rapidement accusé de plagiat par le premier, tant les thèmes abordés (une émission de téléréalité mortelle dans un futur dystopique) sont similaires. 38 années plus tard, Edgar Wright entend corriger le tir en proposant sa version de Running Man : plus déjantée, tristement plus proche du réel, mais aussi plus fidèle au roman dystopique de Stephen King. Portée par un Glen Powell qui monte en puissance tout au long du film, cette nouvelle adaptation saura convaincre les amateurs de blockbusters et de récits d’anticipation tout en décevant les aficionados d’Edgar Wright. Sans être un faux pas dans la filmographie du cinéaste britannique, Running Man est loin d’être à la hauteur d’un Scott Pilgrim, d’un Baby Driver ou de la trilogie Cornetto.
Ben Richards, ouvrier désespéré prêt à tout pour sauver sa fille gravement malade, accepte de participer au Running Man, l’émission numéro un à la télévision. Il s’agit d’un jeu de survie où des candidats doivent échapper pendant 30 jours à des tueurs professionnels, sous l’œil avide du public. Chaque jour passé augmente la récompense à la clé. Par sa rage de vivre, son instinct et sa détermination, Ben devient un véritable héros du peuple… et une menace pour tout le système.
Edgar Wright a fait le choix d’un rythme explosif dès le début de la traque, avec des scènes d’action survitaminées qui arrivent pourtant rarement à la hauteur de celles de ses autres films.
Faire des États-Unis un pays où la violence policière maintient les intérêts d’un capitalisme fou pouvait relever de la science-fiction pour les spectateurs des années 1980. Pour ceux des années 2020, le monde dépeint dans Running Man ressemble étrangement à l’Amérique de Donald Trump, tant dans les fractures sociales que dans le rapport du peuple aux médias. Sans être un pamphlet contre la politique de l’actuel président des États-Unis, le film porte un message profondément anticapitaliste en dénonçant les agissements néfastes d’une méga-corporation possédant la majorité des médias, des entreprises et souhaitant interdire progressivement les syndicats. Face à la négation violente du dialogue social, la survie miraculeuse du prolétaire Ben Richards fait de lui le symbole de la contestation. Il est alors diabolisé dans les médias, on déforme ses propos pour en faire un traître à sa propre classe sans qu’il ne puisse s’exprimer sur la situation absurde – et très dangereuse – dans laquelle il s’est retrouvé. Beaucoup d’éléments ne seront pas sans rappeler la façon dont certaines grandes entreprises ou grands médias, main dans la main avec le pouvoir conservateur en place aux États-Unis, traitent les voix discordantes, donnant au film d’Edgar Wright un caractère résolument moderne, voire engagé.
Au-delà du message, Running Man repose avant tout sur son rythme. Grande chasse à l’homme de 30 jours ayant pour terrain de jeu les États-Unis dans leur ensemble, l’idée même du jeu télévisé semble plus adaptée à une série télévisée qu’à un film de 2h14. Edgar Wright a fait le choix d’un rythme explosif dès le début de la traque, avec des scènes d’action survitaminées qui arrivent pourtant rarement à la hauteur de celles de ses autres films. La faute peut-être à une bande-son banale et à un scénario difficile à faire tenir en à peine deux heures. Une fois passée la première partie, on manque rapidement de moments calmes, ce qui gâche un peu le cheminement vers un dénouement plus que prévisible.
En racontant la traque d’un homme seul face au système, Edgar Wright s’oblige à faire appel à un casting restreint. Là où le cinéaste s’appuie sur une pléthore de comédiens de talent dans les films qui ont fait son succès, il ne peut ici compter que sur sa tête d’affiche ainsi que deux ou trois grands noms apparaissant de manière épisodique. Heureusement pour lui, Glen Powell est plus que convaincant en prolo désabusé et un peu fou avec une soif de survie dépassant l’entendement. On ressent tout le travail de l’acteur de 37 ans dans chaque scène, d’autant plus quand il est accompagné d’un Michael Cera ou d’un Josh Brolin à la hauteur du défi. Mention spéciale à Colman Domingo, qui interprète un présentateur aussi décalé que charismatique, chien de garde d’un système répressif. Si les performances de ces derniers permettent de rattraper quelque peu les soucis de rythme, ils n’empêchent tout de même pas le film d’être le canard boiteux de la filmographie d’Edgar Wright tant il dénote par sa banalité. Une banalité qui resterait tout de même appréciable si elle était la norme dans l’écosystème actuel des blockbusters.
RÉALISATEUR : Edgar Wright
NATIONALITÉ : États-Unis
GENRE : Action
AVEC : Glen Powell, Josh Brolin, Michael Cera et Colman Domingo
DURÉE : 2h14
DISTRIBUTEUR : Paramount Pictures France
SORTIE LE 19 novembre 2025


