Que ma volonté soit faite : Des possessions

Révélée en 2015 avec Crache Coeur, sélectionné dans le cadre de l’ACID, Julia Kowalski s’est surtout distinguée huit ans plus tard en 2023 grâce au moyen métrage J’ai vu le Visage du Diable qui a été montré à la Quinzaine des Cinéastes et par la suite décroché le Prix Jean-Vigo du court métrage. Dès le départ, s’affirme dans ses films un univers très personnel décrivant une classe sociale défavorisée, l’adolescence et ses tourments, la fascination pour la sexualité. J’ai vu le Visage du Diable annonçait néanmoins un tournant car il introduisait pour la première fois des éléments horrifiques, la langue polonaise (due à l’origine de la réalisatrice) et surtout une actrice époustouflante, Maria Wrobel. Le tournant se confirme avec Que ma volonté soit faite, premier long métrage en dix ans de Julia Kowalski, qui reprend tous ces éléments, car J’ai vu le Visage du Diable lui servait en fait de préparation. Un long métrage singulier qui confirme la place irréductiblement à part à part de Julia Kowalski sur l’échiquier du cinéma français.

La jeune Nawojka, qui vit avec son père et ses frères dans la ferme familiale, cache un terrible secret : un pouvoir monstrueux, qu’elle pense hérité de sa défunte mère, s’éveille chaque fois qu’elle éprouve du désir. Lorsque Sandra, une femme libre et sulfureuse originaire du coin, revient au village, Nawojka est fascinée et ses pouvoirs se manifestent sans qu’elle ne puisse plus rien contrôler.

C’est en fait comme si Possession ou Carrie faisait irruption dans l’univers de Bruno Dumont, une partie des comédiens s’exprimant en polonais, et la pulsion sexuelle adolescente se traduisant par des manifestations paranormales.

Le tournant de Julia Kowalski se reflète dans son changement de producteurs, passant des Films de Françoise (Valérie Donzelli) pour Crache coeur à Venin (Elina Löwensohn, Flavien Giorda, Yann Gonzalez et Bertrand Mandico) pour J’ai vu le Visage du Diable et Que ma volonté soit faite, ce qui indique une mutation du social vers le fantastique et l’imaginaire. Incontestablement, ce qui était encore social et naturaliste dans Crache coeur effectue une métamorphose due au film de genre. Il serait possible de décrire Que ma volonté soit faite comme la rencontre inattendue entre Bruno Dumont et Andrezj Zulawski, profitant à la fois de la mise en avant récente du film rural (La Nuée, Petit Paysan, Vingt Dieux) et du film de genre, en particulier féminin, à travers les exemples de Julia Ducournau et Coralie Fargeat.

Pourtant Julia Kowalski ne se contente pas de bénéficier de ces deux courants porteurs. C’est en fait comme si Possession ou Carrie faisait irruption dans l’univers de Bruno Dumont, une partie des comédiens s’exprimant en polonais, et la pulsion sexuelle adolescente se traduisant par des manifestations paranormales. Kowalski parvient à instaurer une atmosphère intrigante, avec une économie de moyens particulièrement remarquable. Il suffit d’un plan s’assombrissant dans le silence de la nuit ou d’un corps d’animal retrouvé gelé et ensanglanté pour créer une ambiance angoissante. Une touche d’inspiration breillatienne fait également son apparition à travers la présence bienvenue de Roxane Mesquida, en fille prodigue, de retour au pays, pour solder un héritage. Le film, dont le titre de travail était Sorcière, interroge la puissance du maléfique que le féminin peut représenter aux yeux de la communauté, en raison de son aura sexuelle trop débordante et tentatrice. Mais qui est la vraie sorcière des deux protagonistes féminines? Peut-être pas celle que l’on croit.

Le cinéma de Julia Kowalski ne plaira pas à tout le monde mais revendique crânement son identité irréductible. Pourtant, avouons que Que ma volonté soit faite, moins dense que J’ai vu le Visage du Diable, pâtit quelque peu de sa recherche d’atmosphère et manque légèrement de rythme. Julia Kowalski n’a pourtant pas dit son dernier mot. car, dans les dernières vingt minutes, elle orchestre une montée en puissance qui laisse bouche bée et ne laisse guère d’incertitudes sur son talent qui se développera à nouveau dans d’autres oeuvres.

3.5

RÉALISATRICE : Julia Kowalski  
NATIONALITÉ : française, polonaise
GENRE : drame
AVEC : Maria Wróbel, Roxane Mesquida, Jean-Baptiste Durand, Raphael Théry
DURÉE : 1h35
DISTRIBUTEUR : New Story
SORTIE LE 3 décembre 2025