Plan 75 : l’heure de choisir sa mort

Présente pour la deuxième fois au Festival de Cannes, après Niagara à la Cinéfondation en 2014, Chie Hayakawa nous propose à Un Certain Regard l’intrigant Plan 75. Dans un futur proche au Japon, le problème du vieillissement de la population est résolu par l’instauration d’un plan à l’échelle nationale, qui propose à tous les plus de 75 ans de se faire euthanasier. Appelé plan 75 et camouflé derrière un service rendu à la nation, comme un sacrifice louable, c’est en réalité une stratégie cruelle de l’État pour dévaloriser ses aînés, en s’en débarrassant.

La réalisatrice Chie Hayakawa propose dans ce premier film un regard nouveau sur le genre dystopique : finis les paysages post-apocalyptiques et la technologie effrayante, le monde que nous donne à voir la jeune Japonaise est dangereusement proche de celui que nous connaissons. Au rythme auquel nous délaissons, exilons, autarcisons nos aînés, la réalisatrice interpelle le spectateur : jusqu’où irions-nous pour ne plus faire face à notre vieillissement? La culture japonaise qui, traditionnellement, confère respect et sagesse au quatrième âge, mais donne aussi une grande importance au sacrifice pour sa nation, serait-elle prête à convaincre ses générations avancées que leur existence n’est qu’un fardeau pour les autres ?

Esthétique, lent, mais lourd d’une quête de sens, cette œuvre se calque sur les battements d’un cœur qui s’éteint.

Ce film parle de solitude : la solitude des aînés, comme Michi (interprété par la gracieuse Chieko Baishô), poussés à mettre fin à leurs jours pour le bien-être des autres, persuadés que leur expérience n’a aucune valeur. La solitude aussi de tous ceux impliqués dans la bonne réalisation de ce génocide déguisé en politique publique : d’une jeune immigrée des Philippines (Arianna Akashi), qui, pour gagner sa vie et nourrir sa fille, administre la dose mortelle aux victimes, au jeune employé du Plan 75, Hiromu (Hayato Isomura), embrigadé dans un plan dystopique, pour convaincre les ainés japonais que choisir leur propre mort est un luxe. Aux amoureux de la science-fiction, des récits palpitants et des héros qui sauvent le monde : ce film n’est pas pour vous. La jeune réalisatrice, timide au début de cette première projection à Cannes, dans la salle Debussy, parle de la vibration poétique qu’elle a ressentie en le mettant au monde. La lenteur est reine dans ce long métrage, mais les plans n’en sont que plus beaux : des flocons de neige sur une vitre, une ville qui se réveille devant un ciel aux couleurs douces, les dialogues sont comme des haïkus, parsemés de scènes de vies, inspirés d’une harmonie visuelle si propre au Japon.

Esthétique, lent, mais lourd d’une quête de sens, cette œuvre se calque sur les battements d’un cœur qui s’éteint. Elle se sirote comme un bon thé, mais prend du temps à être digérée, car elle nous hante de questionnements : et vous, seriez vous prêts à choisir l’heure de votre mort ?

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RÉALISATEUR :  Chie Hayakawa
NATIONALITÉ : japonaise
AVEC :  Chieko Baisho, Yumi Kawai, Hayato Isomura
GENRE : Drame, Science Fiction
DURÉE : 1h52
DISTRIBUTEUR : Eurozoom 
SORTIE LE 7 septembre 2022