Pierre Lapin 2 : lièvre des villes et lièvre des champs


Deux ans après le premier volume, Sony Pictures Animation revient en salles cet été avec Pierre Lapin 2, deuxième grand film pour enfants sorti en salles en France depuis le déconfinement après Tom & Jerry. Si le nom de Pierre Lapin est particulièrement connu auprès du jeune public, avant tout par l’intermédiaire du très célèbre conte pour enfants de Beatrix Potter mettant en scène les aventures du petit mammifère, il est toujours assez déroutant de le voir sur grand écran, qui plus est pour la deuxième fois. En effet, voir les aquarelles artisanales et les personnages de l’autrice changés en une franchise jouant à armes égales avec des concurrents comme Disney peut soulever légitimement plus d’inquiétudes que d’enthousiasme : l’industrie cinématographique ne dénaturerait-elle pas un des plus grands noms des contes pour enfants ? Les grands studios n’auraient-ils pas les dents un peu trop longues en donnant vie aux personnages de Beatrix Potter ? Adapter une deuxième fois ce conte pour enfants, serait-ce dévoyer son charme originel, le soumettant aux exigences commerciales de l’exploitation à grande échelle et de l’impitoyable marché du film ? Des questions toutes légitimes, que le film tente de régler à sa manière, mais sans jamais déroger aux codes du film familial – pour le meilleur comme pour le pire.

Après les événements du premier film, Béa se marie avec Thomas McGregor. Si Pierre Lapin, espiègle comme il est, peine toujours à bien s’entendre avec le jeune homme, lui et tous les animaux de la ferme prennent plaisir à vivre ensemble, partageant le potager de la ferme, jouant tous les jours… jusqu’à ce que Béa reçoive l’offre d’un éditeur lui proposant de faire de son conte pour enfants un grand best-seller – quitte à dévoyer le récit de la jeune écrivaine. Alors que le couple et leurs lapins se rendent en ville pour rencontrer le fameux éditeur, Pierre Lapin découvre que dans les faubourgs existent d’autres animaux, auprès desquels ses mauvais tours ne passent pas inaperçus…

Au niveau du récit, le film réussit un travail d’équilibriste : arrivant à jongler équitablement entre les codes narratifs du film familial, l’humour, les scènes d’action et de courses poursuites, et même un ton ironique permettant de nombreuses ruptures du quatrième mur, Pierre Lapin 2 est un film assez ludique, qui joue avec son public et n’en éprouve aucune gêne.

Au niveau de l’animation, le film marche. Le cortège d’animaux qui peuple la maison de Beatrix et de son époux est tout à fait satisfaisant dans la manière dont chaque personnage prend vie : les expressions faciales arrivent à faire la part belle entre le style original des illustrations du livre de Beatrix Potter et un style d’animation hollywoodien plus contemporain. Jamais les animations en 3D ne font tâche dans les décors : l’illusion est totale, et les interactions entre humains et animaux restent assez naturelles – dans la limite des conventions narratives acceptées par le film familial, bien évidemment. Mieux, l’animation ne se contente pas d’intégrer les animaux au décor et à la narration : elle se libère dans des scènes très bien exécutées, comme cette scène de combat à quelques plans de l’ouverture du film, qui lance très bien le film avec une chorégraphie amusante et des répliques tout à fait efficaces. L’animation finit même par « déborder », si bien que les animaux ne sont pas les seuls objets animés du film : en témoignent les deux scènes de cascade du mari de Béa, dans lesquelles son corps est animé pour faire des scènes de chutes spectaculaires et assez comiques. On en attendait pas moins d’un grand studio comme Sony Pictures Animation, mais l’animation est suffisamment réussie pour le noter, et célébrer le travail des animateurs et animatrices qui ont participé à ce film.

Au niveau du récit, le film réussit un travail d’équilibriste : arrivant à jongler équitablement entre les codes narratifs du film familial, l’humour, les scènes d’action et de courses poursuites, et même un ton ironique permettant de nombreuses ruptures du quatrième mur, Pierre Lapin 2 est un film assez ludique, qui joue avec son public et n’en éprouve aucune gêne. À la manière du film familial, il y en a pour tous les goûts : les plus jeunes sauront se réjouir des courses-poursuites et des gags qui parsèment le récit, et les parents ne passeront pas un mauvais moment en profitant des références cinématographiques qui ponctuent les scènes d’action ou en comprenant les blagues méta qui rythment la fin du film. Cependant, cette narration un peu fourre-tout, où se croisent scènes d’action, scènes dramatiques, scènes comiques, soap et gags cartoonesque, fait parfois un peu trop, à l’instar de ces scènes brisant le quatrième mur à la fin du film, un peu caricaturales – quoiqu’elles devraient parfaitement réjouir un public enfantin, moins sensible à la facilité de certains gags.

Pierre Lapin 2 est très loin d’être un mauvais film : l’animation, la bande son ponctuée de musiques populaires des dix dernières années, le récit concordent pour donner un film très cohérent. Mais c’est peut-être là l’un des problèmes du film : Pierre Lapin 2 coche toutes les cases du film familial industriel, très bien fait certes, mais sans grande prise de risques et, somme toute, assez normal. Si le film essaye de brouiller les pistes et de sortir de son statut de film de studio en dépeignant ironiquement dans son récit l’équipe éditoriale chargée de l’adaptation du livre pour enfants du personnage de Béa, il ne trompe personne avec cette distanciation à bas coût qui fait plus spectacle que critique – critique qui tomberait de toute façon probablement dans l’oreille de sourds avec un public enfantin non averti. Le film n’arrive jamais à totalement gommer la patte d’un film industriel de studio et des biais que cela peut apporter au récit, comme par exemple le fait que le seul personnage noir de l’histoire soit un antagoniste, que les scènes de romance entre le couple principal du film adhérent caricaturalement aux structures familiales patriarcales « normales »… Pierre Lapin 2 est donc un film très bien exécuté, qui satisfait tout à fait dans son rôle de film familial générique, mais peine à être quelque chose de plus. Avec son animation remarquable et son récit traditionnel, il aura très certainement une très belle deuxième vie dans ses futures rediffusions télévisuelles – en attendant, qui sait, un troisième volume des aventures du mammifère aux dents longues.

3.5

RÉALISATEUR : Will Gluck 
NATIONALITÉ : Britannique
AVEC : Rose Byrne, Domhnall Gleeson, David Oyelowo
GENRE : Comédie, Aventure, Famille
DURÉE : 93 minutes
DISTRIBUTEUR : Sony Pictures REleasing France
SORTIE LE 30 juin 2021