Marche ou crève : la dure loi du totalitarisme

Steven King revient à la mode, même s’il n’a jamais réellement quitté les écrans de cinéma et de télévision via les adaptations de ses oeuvres. Après Life of Chuck de Mike Flanagan, un peu plus tôt dans l’année, voici donc Marche ou crève aka La Longue marche, le premier roman que King a achevé et qu’il publia bien des années après son écriture, après un rejet initial à un concours de premiers romans, sous le pseudonyme de Richard Bachman. D’abord initié par Frank Darabont, responsable de plusieurs adaptations de King (Les Evadés, La Ligne verte, The Mist), le projet est finalement tombé dans l’escarcelle de LionGate qui l’a confié à l’un des ses metteurs en scène-vedettes, Francis Lawrence, celui qui a mené à bien la première saga des Hunger Games. Le retour de Stephen King au cinéma est-il forcément lié à l’avènement de la seconde période trumpiste? C’est fort possible. Comme Life of Chuck, Marche ou crève présente une atmosphère dystopique, aux relents cette fois-ci accentué de totalitarisme, qui renvoie assez directement aux dérives du culte du virilisme.

Comme tous les ans se tient la Longue Marche : cent jeunes volontaires âgés de moins de 18 ans entament une marche vers le sud à travers les Etats-Unis, devenus un pays totalitaire, en partant de la frontière canadienne, dans l’État du Maine. Sous l’autorité du « Commandant » et encadrés par des militaires chargés de les surveiller, et d’assurer leur sécurité et leur approvisionnement en vivres et en eau, les concurrents doivent marcher jour et nuit, sans interruption pour quelque motif que ce soit ; l’interdiction de s’arrêter est formelle, sous peine d’être « éliminé » de la Marche, c’est-à-dire être exécuté après trois avertissements. Dans cette compétition impitoyable, une amitié naît entre Ray Garraty et Peter McVries.

Une adaptation solide et efficace d’un des romans fondateurs de l’oeuvre de Stephen King

Premier roman achevé par Stephen King, Marche ou crève montre déjà la maestria du grand écrivain pour créer une dizaine de personnages crédibles et mémorables, ainsi que son talent pour dresser une toile de fond propice à la réflexion sur la thématique de son roman. Marche ou crève, serait-il une métaphore habile de la guerre du Vietnam? Ou bien une description impitoyable de l’esprit de compétition qui règne dans un univers gouverné par le libéralisme? Les interprétations sont ouvertes. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un portrait assez affolant d’un univers dystopique où, comme souvent, King s’est montré visionnaire. Bien avant les émissions de télé-réalité, il a inventé ce jeu cruel qui couronne un seul gagnant, les autres étant éliminés par mort directe. Au visionnage de ce film, on peut légitimement penser à On achève bien les chevaux, quelques années avant la rédaction de Marche ou crève, ou au Prix du danger.

Francis Lawrence n’a pas tenté de moderniser l’histoire en incluant de nouveaux personnages (des Musulmans ou des personnages trans, par exemple) ou des innovations technologiques (drones, Intelligence artificielle, etc). Ainsi, l’aspect télé-réalité reste fort discret et n’est guère développé. De manière générale, Francis Lawrence reste extrêmement fidèle à la trame du roman, et met en scène l’histoire, sans réel génie mais aussi sans faux pas, si l’on peut dire. Néanmoins, il change surtout la fin, en modifiant l’ordre d’arrivée et les destins respectifs des personnages principaux. La fin du roman de King était désespérante et un peu prévisible ; celle du film de Lawrence l’est nettement moins mais s’avère peut-être bien plus désespérée, en abordant les rivages tragiques de l’injustice et de la vengeance.

Dans Marche ou crève, on aura plaisir à retrouver Cooper Hoffman, que l’on n’avait guère revu depuis Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson. En quelques années, l’adolescent joufflu est devenu un homme robuste. Son duo avec David Jonsson, l’androïde de Alien : Romulus, représente sans doute l’une des meilleures raisons de voir ce film qui propose une adaptation solide et efficace d’un des romans fondateurs de l’oeuvre de Stephen King.

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RÉALISATEUR : Francis Lawrence 
NATIONALITÉ :  américaine
GENRE : thriller, horreur, anticipation
AVEC : Copper Hoffman,David Jonsson, Judy Greer
DURÉE : 1h48 
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport
SORTIE LE 1er octobre 2025