Les Héroïques : la place du père

Disponible en VOD ainsi qu'en DVD chez Pyramide Vidéo. Bonus : Making of  (6mn)
 et 3 courts métrages de Maxime Roy : Beautiful Loser / Sole Mio / Des gens biens. 

La moto approche de la vitre du véhicule, à l’intérieur un vieil homme fatigué, son regard se tourne lentement vers le motard : au creux d’une nuit pluvieuse, père et fils se regardent. Une scène en retenue, où l’essentiel du premier long métrage de Maxime Roy apparaît en filigrane : Michel, qui fend l’air avec son blouson portant l’inscription « loser » et sa visière orangée, trace sa propre route. Un perdant magnifique, en sevrage du pire et en quête du meilleur, dans une œuvre authentique et émouvante. Au bout du cauchemar, l’espoir d’une nouvelle vie.

Ancien toxicomane, Michel (François Créton), la cinquantaine dépassée, vit dans la transgression : il n’apparaît dans aucun cadre. Un cap dans une vie parsemée de tentations et d’excès. Père de deux enfants, dont l’un majeur, son quotidien a fini par lasser ses deux ex-compagnes. Son deuxième enfant, encore bébé, est pour lui autant une chance qu’un fardeau : depuis la cave où il vît, il affronte ses démons et son nouveau rôle.

Dans sa quête de renouveau, où le passé n’est jamais loin, Michel s’accroche à ses responsabilités malgré les coups et les épreuves.

Le film de Maxime Roy, co-écrit avec l’acteur François Créton, surprend par son authenticité. Dès la scène d’ouverture, on découvre un visage marqué par les stigmates d’une vie de surenchère. Puis vient le langage, fait d’un verlan désuet et de colère. Irrité par sa nouvelle paternité et le départ de sa compagne, les yeux grands ouverts de Michel témoignent de sa détresse : il doit réussir cette épreuve. Son témoignage le singularise instantanément. Un personnage qui gravite jusqu’au bout entre les extrêmes : entre drame et joie, rage et douceur. La réalité n’est jamais loin dans Les Héroïques, fiction naturaliste à quelques enjambées du cinéma de Ken Loach. Un mélo qui ne verse pas dans le misérabilisme, bien au contraire : le film est porté par une contagieuse envie d’avancer.

Dans sa quête de renouveau, Michel s’accroche à ses responsabilités malgré les coups et les épreuves. Il est solidement épaulé par une généreuse distribution : Ariane Ascaride, Patrick d’Assumçao ou encore Clotide Courau. Ensemble, ils traversent la vie de Michel, aussi attachant qu’exaspérant dans sa figure d’éternel contestataire, et apportent une dimension sociale au film. Un monde à la marge, précaire et débrouillard, où la solidarité occupe une place importante. Maxime Roy cultive également un regard extérieur, patient et dubitatif, sur le possible changement du rebelle en père de famille. Léo, incarné par Roméo Créton, fils dans la vie comme dans la fiction de François Creton. exprime par le rap ses blessures d’enfances. Un père qui a brillé par son absence. Sa dépendance est aussi au cœur de sa relation avec son père, incarné avec une grande justesse par Richard Bohringer. Chacun apprend, à son rythme, à retrouver sa place dans cette famille décomposée. Assurément un beau premier long métrage, à la fois sensible et humain.