Pour Thomas Kruithof, cinéaste ayant commencé à tourner à quarante ans en 2016, la politique est une préoccupation récurrente. Après l’espionnage et le complot politique (La Mécanique des ombres, son premier film, 2016), les professionnels de la politique politicienne (Les Promesses, 2021), le voici qui aborde la politique vécue au quotidien, par des Français de la classe moyenne, avec Les Braises, film entremêlant une histoire d’amour d’un couple d’âge mûr et l’irruption en 2019 du mouvement des Gilets Jaunes. Entre fiction sentimentale et portrait documentaire, le film de Thomas Kruithof parvient à retranscrire un sensation de crise commune à un état du couple et de la société française en déliquescence depuis la fin de la dernière décennie.
Karine et Jimmy forment un couple uni, toujours très amoureux après vingt ans de vie commune et deux enfants. Elle travaille dans une usine ; lui, chauffeur routier, s’acharne à faire grandir sa petite entreprise. Quand surgit le mouvement des Gilets Jaunes, Karine est emportée par la force du collectif, la colère, l’espoir d’un changement. Mais à mesure que son engagement grandit, l’équilibre du couple vacille.
Une oeuvre qui montre les conséquences et limites de l’engagement politique pour les hommes et femmes du quotidien, et comment l’idéalisme peut se heurter aux âpres contingences du réel.
Révolte et révolution ne sont pas synonymes. Pourtant l’insurrection représente un thème incontestablement à la mode, surtout aux Etats-Unis où la situation politique semble, vue de notre pays, au bord du gouffre. Il est ainsi amusant de comparer Une Bataille après l’autre, où l’insurrection enflamme tout un pays, grâce au lyrisme d’un Paul Thomas Anderson, avec Les Braises, plus sagement appliqué et documentaire. Dans les deux films, on trouve en effet un couple plus ou moins jeune, la femme se transformant en pasioniara politique, le type beaucoup plus dubitatif et en retrait, et détail cocasse, la fille faisant dans les deux films du karaté. Mais, à la différence de Paul Thomas Anderson qui prend prétexte de la thématique politique pour traiter ses obsessions de prédilection et en faire du cinéma, Thomas Kruithof tient à être le premier à retranscrire assez fidèlement la naissance, les progrès et les excès d’un mouvement politique insurrectionnel sorti de nulle part à la fin des années 2010.
Mission accomplie dans Les Braises où Thomas Kruithof remercie au générique de fin Emmanuel Gras qui avait déjà radiographié sous l’angle exclusivement documentaire ce mouvement des Gilets Jaunes avec une empathie certaine dans Un Peuple. Néanmoins Kruithof laisse la fiction prendre le pas sur le réel, en donnant la vedette à une femme du peuple qui se métamorphose en leader de la politique du quotidien. Saluons la performance de Virginie Efira qui, bien loin de la Nouvelle Star et de compositions de bourgeoise, parvient à être parfaitement crédible en femme « normale », brune, assumant ses rides et le temps qui passe, et croyant pouvoir changer le monde à son modeste niveau. L’alchimie authentique qui se dégage de son couple avec Arieh Worthalter, mari en retrait, est en grande partie responsable de l’intérêt des Braises qui ne faiblit pas, en-dehors d’une fin un peu trop hésitante et ouverte.
Plutôt bien réalisé et faisant preuve d’une direction d’acteurs sans failles, Les Braises ne décolle pourtant pas, alors que le sujet méritait d’enflammer ses spectateurs. Le parti pris fictionnel affaiblit peut-être la portée documentaire du film, alors que, d’un autre côté, la précision documentaire alourdit l’aspect métaphorique de l’oeuvre. Même si le film manifeste une empathie certaine envers le mouvement des Gilets Jaunes, il n’est absolument pas coupable d’indulgence envers ses excès (violence et saccages en tous genres). Ce n’est donc pas, contrairement à ce que certains auraient pu lui reprocher, un film pro-Gilets Jaunes (même si l’antagoniste macroniste est finalement résumé en une ombre dans une voiture qui fuit), mais une oeuvre qui montre les conséquences et limites de l’engagement politique pour les hommes et femmes du quotidien, et comment l’idéalisme peut se heurter aux âpres contingences du réel.
RÉALISATEUR : Thomas Kruithof
NATIONALITÉ : française
GENRE : drame
AVEC : Virginie Efira, Arieh Worthalter, Mama Prassinos, Justine Lacroix, Loup Pinard
DURÉE : 1h42
DISTRIBUTEUR : Wild Bunch Distribution
SORTIE LE 5 novembre 2025


