Présenté dans la section Panorama de la Berlinale 2022, Les Belles créatures, une allégorie de la violence urbaine, choisit d’évoquer une jeunesse qui part à la dérive tout en se complaisant outrageusement dans les incivilités et la brutalité. Le film est une description d’esprits habités par des pulsions violentes, une sorte d’Orange mécanique où les coups sont gratuits et la sauvagerie un mode de socialisation.
Addi, 14 ans, est élevé par sa mère clairvoyante qui perçoit l’avenir dans les rêves. Il prend sous son aile Balli, un garçon introverti et en marge, victime d’harcèlement scolaire, en l’intégrant à sa bande. Ces garçons désœuvrés et livrés à eux-mêmes explorent la brutalité et la violence, comme seuls moyens d’expression et d’exister. Alors que les problèmes du groupe s’aggravent, Addi commence à vivre une série de visions oniriques. Ses nouvelles intuitions lui permettront-elles de les guider et de trouver leur propre chemin ?
Les Belles créatures est un film qui marque, car il narre l’embrigadement d’un jeune garçon un peu perdu dans un système de violence qui l’aide à s’intégrer.
Bali est un adolescent en marge de la société, qui navigue entre ses études poussives et un foyer poussiéreux et malodorant où la mère ne brille pas par sa présence. Un petit groupe de fauteurs de troubles, des caïds, sèment la terreur dans l’établissement scolaire et dans cette banlieue défavorisée de Reykjavik. Les coups pleuvent. La violence gratuite règne en maîtresse, bien orchestrée par un leader déséquilibré, rongé par l’agressivité et le plaisir d’en découdre. Le jeune Addi est une proie facile, qui passe des brimades au désir d’être ami avec ces fous violents. Dès lors, le cinéaste islandais développe un récit sur la fascination pour le brutal, introduisant ainsi une réflexion sur les causes et les conséquences de tels actes barbares. Le film expose une vision choc d’une jeunesse islandaise rebelle et réfractaire, ignorant les codes sociaux et toutes formes de civilité. Il s’agit en quelque sorte d’une histoire à la Orange mécanique, sans l’exagération. Se développe une réflexion pertinente sur ces actes graves et sur cet embrigadement que subit Bali, qui voit en ces délits abjects un moyen d’intégration. La première partie est intéressante car elle relate les processus d’adhésion à une idéologie malsaine et une marginalisation progressive. Les Belles créatures n’idéalise pas la violence, mais la décrit comme un véritable danger sociétal.
Une fois passé le choc du premier segment, Les Belles créatures devient plus inoffensif. Les références y sont nombreuses.
Le réalisateur finit par s’éloigner clairement de son sujet principal pour essayer d’instaurer de la psychologie. Il n’y parvient guère. Ses personnages restent superficiels et sont surtout des archétypes de la fureur et de la méchanceté. En ce sens, Les Belles créatures puise son inspiration dans les films de violence punk du début des années 1980, comme Suburbia de Pénélope Spheeris, où un groupe de jeunes terrifie la ville. Le style se rapproche également de Scum ou de Class 1984, deux œuvres cultes qui relatent les dérives vertigineuses d’une jeunesse adepte des coups ou d’autres crimes. Sans être aussi extrême ou complaisant, le long-métrage propose une interrogation captivante sur les effets néfastes des différentes formes d’animosité. Le film opte pour un panorama bien glaçant d’une société islandaise en pleine dislocation, où ni l’éducation ni les services sociaux ne parviennent à contenir les folles pulsions d’adolescents qui frappent un grand-père ou sèment le bruit et la discorde dans tout le quartier.
RÉALISATEUR : Gudmundur Arnar Gudmundsson NATIONALITÉ : Islande, Danemark, Suède, Pays-Bas, République tchèque GENRE : Drame AVEC : Birgir Dagur Bjarkason, Áskell Einar Pálmason DURÉE : 2h03 DISTRIBUTEUR : Outplay Films SORTIE LE 25 septembre 2024