Law and Order : La police dans tous ses états

C’est dans le cadre d’une rétrospective de trois films de Frederick Wiseman intitulée Il était une fois l’Amérique projetés dans les salles de cinéma depuis le 11 septembre 2024, qu’en a été restaurée une version en 4K à partir du négatif image en 16mm et du son original par Zipporah Films, avec la participation de la Bibliothèque du Congrès de Washington. Law and Order est réalisé en 1969 et c’est le troisième film de son auteur, qui a commencé sa carrière en 1967. Nous sommes à Kansas City dans le Missouri et nous suivons le travail des policiers au quotidien, essentiellement dans le quartier noir de la ville. Le montage alterne entre scènes filmées sur le lieu du crime et retours au commissariat de police où l’on voit les policiers debout au garde-à-vous écoutant les directives de leur chef, mais aussi effectuant les interrogatoires et dépôts de plainte. Un jeune adolescent noir défie les forces de l’ordre, comptant sur sa minorité pour ne pas être incarcéré. Il faut dire que le vol de voiture dont il s’est rendu coupable lui a valu un passage à tabac et une intervention musclée de la police : lèvres tuméfiées, torse nu, menottes passées aux poignets, mains derrière le dos – donc dans une position déjà suffisamment humiliante en soi –  il est maintenu fermement la tête écrasée contre le capot d’une voiture. La violence est bien présente.

Car l’un des principes au cœur des activités policières est non seulement le respect de la loi mais aussi et encore de l’institution policière elle-même et de l’uniforme qui va avec. Et l’on sent dans plusieurs scènes comment le moyen de faire passer ce respect frise parfois la violence policière comme lorsqu’un inspecteur étrangle littéralement avec son bras passé autour de son cou une jeune prostituée noire pour la raison qu’elle aurait incriminé un de leurs collègues. Là encore retour au commissariat et prise d’empreintes, un lieu où règne un froid glacial d’après le témoignage d’une suspecte au téléphone. Car le film se passe de commentaires en voix off et de musique additionnelle, préférant apprivoiser progressivement le spectateur par l’image jusqu’à ce qu’il se sente comme appartenant presque à la scène.

Car le film se passe de commentaires en voix off et de musique additionnelle, préférant apprivoiser progressivement le spectateur par l’image jusqu’à ce qu’il se sente comme appartenant presque à la scène.

De fait, une bonne partie des activités de la police concerne l’aspect social, dévoilant une misère endémique qui n’a que peu ou prou de rapport avec le taux de criminalité élevé du pays que n’a de cesse de dénoncer Richard Nixon au cours de sa campagne présidentielle de 1968 dont le réalisateur insère un extrait en plein film. Mais le lien est vite – trop vite – établi entre les deux et les Noirs qui subissent le plus l’oppression et la misère dans les pays occidentaux sont très vite assimilés à tous les malheurs qui tombent en pluie sur la population. Le racisme est ambiant mais n’ose pas encore dire son nom. Un policier vient ainsi à la rescousse d’une vieille femme noire dont le sac lui a été arraché et part à sa recherche le long des taillis au pied des immeubles. Sac retrouvé et joie mitigée de la pauvre femme car on lui a dérobé son argent et la clef de son domicile. Un alcoolique est retrouvé allongé ivre mort sur le bitume et c’est là aussi à la police que l’on fait appel. Une querelle violente au sein d’un jeune couple et la propriétaire croit devoir faire appel à la police pour régler la situation.

Une police parfois impuissante devant l’injustice flagrante à laquelle sont confrontés les habitants. Comme l’histoire de ce jeune père à qui sa compagne refuse le droit de visite de sa petite fille. Et de lui recommander de faire appel à la loi pour entamer une procédure de divorce. Plus légère l’affaire de cette dame qui refuse de payer un surcoût au chauffeur de taxi qui le lui impose autoritairement. Et encore l’histoire touchante de cette petite fille abandonnée recueillie par un policier qui la confie au commissariat en attendant que ses parents veuillent bien venir la récupérer. En fil rouge, les policiers, voiture contre voiture et la fenêtre ouverte, se mettent à discuter du quotidien de leur travail comme de n’importe quel boulot et des perspectives de carrière qu’ils sont susceptibles d’envisager. Un boulot comme un autre : pas tout à fait. Car la police est le premier rempart de la loi et de l’ordre d’une société qui justement se désagrège sous ses yeux. Une responsabilité énorme qui devrait aller avec un usage de la force proportionné. Victimes et coupables ont affaire avec elle et c’est un des mérites du film de leur donner un visage.

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RÉALISATEUR : Frederick Wiseman
NATIONALITÉ :  Etats-Unis
GENRE : Documentaire
AVEC : anonymes
DURÉE : 1h21
DISTRIBUTEUR : Météore Films
SORTIE LE 11 septembre 2024