Le film était sélectionné dans la catégorie de la Queer Palm et présenté à la Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes. Il nous raconte l’histoire d’une bande d’émigrés clandestins venus du Maghreb qui font de la revente de montres volées sur les trottoirs de Marseille. Ils vivent d’amour et d’eau fraîche mais forment une véritable confrérie. Jusqu’à ce qu’ils se fassent rafler par la police. C’est alors que Serge, le commissaire de police, va se prendre d’affection pour Nour, un jeune Marocain de vingt-sept ans et lui donner une seconde chance. Le retrouvant par hasard gisant par terre dans la rue, il l’emmène chez lui et l’héberge le temps qu’il se remette puis lui trouve une planque dans le quartier des travestis, juste au-dessus d’une boîte de nuit. Nour découvre que Serge est homosexuel et drague les garçons, tout cela en accord avec sa femme Noémie – avec laquelle il a un fils de huit ans, Ugo – qui ne s’empêche pas de son côté de séduire d’autres hommes.
Nul doute que le film cherche à nous rendre sympathiques ses personnages et interroge notre propre sentiment de tolérance à l’égard des marginaux. Ainsi, le couple atypique formé par Serge et Noémie est en butte à l’hostilité de la famille de Serge qui réprouve le mode de vie et le comportement de celui-ci de manière assez violente. Suffisamment pour qu’on prenne instinctivement le parti du policier, par ailleurs rendu aimable par l’attitude protectrice qu’il adopte vis-à-vis de Nour et par son esprit festif – il boit beaucoup, sniffe même de la cocaïne, et danse avec véhémence sur de la musique raï. On peut dire que le personnage est chargé et que tout est fait – jusqu’à l’excès – pour qu’il entraîne l’adhésion du spectateur. On voit quant à lui Nour galérer à travers la ville son sac à la main, de petit boulot en petit boulot, désespérant d’obtenir la nationalité française. Il retrouve une ancienne amie qui a trouvé le bonheur avec un Français dans la cinquantaine avec lequel elle s’est mariée.
Tableau synoptique de la communauté maghrébine immigrée en France dans les années 1990, réalisé à gros traits.
Le mariage semble à première vue le seul moyen de se voir régularisé, comme son ami Khaled avec lequel Nour est toujours en contact. Houcine, lui, a plus de mal et n’a trouvé qu’un boulot de saisonnier pour se faire un peu d’argent. Tableau synoptique de la communauté maghrébine immigrée en France dans les années 1990, réalisé à gros traits. Car le film se déroule de 1992 à 1999, c’est-à-dire en pleine croissance de l’immigration venant du Maghreb, juste avant qu’au tournant des années 2000, l’Algérie et le Maroc deviennent les deux premiers pays d’origine des immigrés. Quelques références sont faites à cette période pour ancrer le récit – le SIDA comme élément constituant de l’intrigue et de façon plus anecdotique la prédominance et la victoire de l’OM en Coupe des Champions. C’est dans cette France-là que Nour tente de trouver sa voie en toute honnêteté et sans renier ses principes.
Mais la deuxième partie du film vire à la romance et à une histoire d’amour improbable entre Nour et Noémie. Il faut avouer que le parcours pour en arriver à l’histoire sentimentale qui en découle est quelque peu tortueux et touchant au romanesque, contraire à l’analyse sociologique que prétend viser le film. De là les difficultés inhérentes pour un Arabe à se faire accepter de la communauté française? Point du tout : le problème du racisme dont sont victimes les immigrés n’apparaît à aucun moment dans le film. C’est aussi que le réalisateur ne les filme qu’en vase clos, au sein même de leur communauté – même le cafetier est arabe. Et si Serge a du mal à faire accepter sa différence à sa famille, la mère de Nour se montre hostile à ce qu’est devenu son fils. Nul n’est prophète en son pays. Et le film montre ce double déracinement des immigrés, rejetés par leur pays – qui pour le coup fait preuve de racisme, car Nour s’est marié à une étrangère – et toujours considérés avant tout comme des Arabes en France. Mais le film peine à prendre bien que les acteurs fassent tout ce qu’ils peuvent, et pèche par manque de réalisme et de profondeur dans le discours. Un drame passable.
RÉALISATEUR : Saïd Hamich NATIONALITÉ : Belgique, France, Maroc GENRE : Drame, Romance AVEC : Ayoub Gretaa, Grégoire Colin, Anna Mouglalis DURÉE : 1h52 DISTRIBUTEUR : The Jokers Films SORTIE LE 5 février 2025