Klára Déménage : apprendre à partir à temps

Klára Déménage, initialement intitulé Január 2, est un film de 2024 réalisé par Zsófia Szilágyi, une cinéaste hongroise dont le premier long métrage, One Day, avait remporté le prix Fipresci à La Semaine de la Critique à Cannes en 2018. Szilágyi revient au portrait du quotidien féminin, mais cette fois-ci en commençant par une introduction qui change tout.

Le film met en lumière le déménagement erratique et émotionnel de Klára et de ses deux jeunes enfants, qui quittent leur mari et père. Sept allers-retours entre l’ancien et le nouveau domicile, accompagnée de son amie Ági, qui conduit la voiture, tombent dans un rythme perpétuellement lent, monotone et étiré, que suivent également les événements du film. Même les écueils d’un mariage brisé se révèlent par hasard, se noyant à plusieurs reprises dans le tumulte du déménagement. Cependant, le véritable personnage principal n’est pas Klára, mais Ági : c’est uniquement grâce à sa présence constante de témoin que le récit trouve une perspective réflexive, s’interrogeant sur la mesure dans laquelle un témoin appartient à cette histoire — ou plutôt, dans quelle mesure cette histoire reflète les propres inquiétudes d’Ági quant à son avenir.

…le véritable personnage principal n’est pas Klára, mais Ági : c’est uniquement grâce à sa présence constante de témoin que le récit trouve une perspective réflexive, s’interrogeant sur la mesure dans laquelle un témoin appartient à cette histoire — ou plutôt, dans quelle mesure cette histoire reflète les propres inquiétudes d’Ági quant à son avenir.

Ainsi, non seulement Klára livre des aveux épars entre les objets entassés dans la voiture, sur le chemin entre son ancien et son futur foyer, mais la conductrice, Ági elle-même, révèle aussi certaines zones sombres de la relation qu’elle endure actuellement. Par des allusions répétées et l’implication excessive d’Ági dans le chaos du déménagement, l’énigme de son personnage se déploie jusqu’aux dernières minutes du film — lorsqu’elle, désormais à distance de son compagnon qui n’a guère pris la peine de répondre à ses appels de la journée, apparaît non plus comme une simple amie compatissante, mais comme une personne qui, peut-être, avait besoin d’expérimenter ce que cela fait de se séparer de quelqu’un, d’en comprendre les conditions et d’en pressentir les conséquences. Cette utilisation subtile du cinéma comme médium voyeuriste se révèle d’autant plus brillante que nous sommes immergés dans un univers apparemment banal et terne, aux côtés d’une héroïne aussi déplacée dans son propre récit que les spectateurs le sont dans la salle de cinéma.

Aussi finement nuancé que soit ce film, l’intrigue reste largement morcelée, réservant sa révélation finale uniquement à ceux qui auront la persévérance d’aller jusqu’au bout, malgré la baisse de tension dramatique et l’absence de personnages véritablement attachants. Même la durée plutôt clémente de 87 minutes n’y change pas grand-chose, et le film aurait sans doute mieux trouvé sa place dans le format d’un court métrage.

Ainsi, Klára Déménage combine des trouvailles cinématographiques fines et des maladresses de mise en scène audacieuses de manière si étroite qu’il est difficile de savoir s’il s’agit de décisions mal calculées ou de choix concis, adaptés à l’idée de l’autrice ou aux faibles moyens de production. Le film a en effet été produit à petit budget, sous l’égide du fonds du Festival de Venise destiné à soutenir les longs métrages microbudgétés, mais le récit se révèle si peu ambitieux que le film ne va pas au-delà de simples allusions à de possibles découvertes profondes sur la nature réflexive du cinéma.

3/5

RÉALISATEUR : Zsófia Szilágyi
NATIONALITÉ : Hongrie
GENRE : Drame
AVEC : Csenge Jóvári, Zsuzsanna Konrád, Edit Vlahovics
DURÉE : 1h 26min
DISTRIBUTEUR : Damned Distribution
SORTIE LE 22 octobre 2025