Jugé coupable présente l’aspect le plus aimable du personnage Clint Eastwood, tel qu’il est dans la vie, séduisant, charmeur, hâbleur, une image qu’on retrouve dans certains autres films, de Bronco Billy à La Mule, en passant par Sur la Route de Madison. Cette version assez authentique de lui-même contraste avec l’apparence du justicier sombre telle qu’on la perçoit dans Impitoyable, Gran Torino ou les Dirty Harry qui sont essentiellement des rôles de composition. Clint Eastwood se présente ainsi sous sa face lumineuse, en n’omettant pas ses défauts reconnus, le fait de ne jamais être vraiment là, son instabilité, son infidélité patente. Mais ce ne sont que des défauts mineurs par rapport à l’ensemble des qualités.
En plus de présenter Clint Eastwood sous son meilleur jour, Jugé coupable représente un formidable réquisitoire contre la peine de mort, au moins autant que Tu ne tueras point, voire plus que La Dernière marche. Jugé coupable raconte en montage parallèle la dernière journée d’un condamné à mort noir, Frank Beechum, entouré de sa femme et de sa petite fille, et les efforts désespérés d’un journaliste, Steve Everett, pour découvrir la vérité sur l’affaire en question, et si possible, innocenter Beechum. Le contraste est frappant entre le prisonnier pieux et soucieux de sa famille et le reporter infidèle, qui s’éloigne inexorablement de la sienne et n’en a strictement « rien à faire de Jésus-Christ ». Pour une fois que Eastwood montre une famille parfaitement unie, il se trouve que ce n’est pas celle de son personnage. Ce réquisitoire contre la peine capitale est d’autant plus frappant que Eastwood, dans la vraie vie, n’est pas forcément hostile à la peine capitale dans les cas extrêmes. Néanmoins, pour lui, Jugé coupable est essentiellement une bonne histoire, raison pour laquelle il a tenu à la raconter.
En plus de présenter Clint Eastwood sous son meilleur jour, Jugé coupable représente un formidable réquisitoire contre la peine de mort, au moins autant que Tu ne tueras point, voire plus que La Dernière marche.
Car cette bonne histoire donne à l’écran un formidable film, avec quelques séquences d’anthologie dans le cinéma d’Eastwood: la visite du zoo en quatrième vitesse avec Kate, la fille d’Everett, (la propre fille de Clint, Francesca, qui jouera plus tard dans une séquence de Twin Peaks The Return), – rappelant la visite du Louvre en cinq minutes chrono de Bande à part – qui montre bien la négligence coupable du journaliste, les deux séquences énormissimes de dialogues avec l’immense James Woods qui retrouvent le tempo effréné de La Dame du vendredi d’Howard Hawks, au moins deux scènes de la famille Beechum, déchirantes d’émotion, où l’on perçoit bien le pur talent de directeur d’acteurs d’Eastwood. On y retrouve son hostilité affirmée, sinon son manque d’empathie, envers la religion catholique et ses représentants, présente aussi dans Million Dollar Baby ou Gran Torino. Jugé coupable est considéré sans doute à tort comme un film mineur dans la filmographie très fournie d’Eastwood mais en y réfléchissant, on prend bien plus de plaisir à le revoir que devant quelques-uns de ses autres films pourtant estampillés chefs-d’oeuvre, ce qui relativise bien les choses.
Au bout d’un suspense insoutenable, la conclusion apparaît comme un rêve de Noël, de manière quasiment irrésolue. Les optimistes pourront croire que Beechum s’en est finalement sorti ; les autres pourront penser que non. Le caractère indécidable et irrésolu de la fin est sans doute l’un des plus beaux tours de passe-passe de Clint Eastwood, évitant ainsi la happy end mielleuse ou le dénouement trop tragique. Non, Clint Eastwood choisit de terminer sur l’irréconciliable solitude de son personnage, qu’il soit aimable ou pas, faisant ses courses seul au moment des Fêtes, en dépit de ses bonnes actions : décidément « le Père Noël est un cavalier solitaire« .
RÉALISATEUR : Clint Eastwood
NATIONALITÉ : américaine
GENRE : thriller, policier
AVEC : Clint Eastwood, Diane Venora, James Woods, Isaiah Washington, Mary McCormack
DURÉE : 2h05
DISTRIBUTEUR : Warner Bros Studios
SORTIE LE 21 avril 1999


