Game of Thrones a relevé un défi immense en adaptant une série de livres inachevée, comprenant des milliers de pages. Un exercice d’équilibre complexe qu’elle a réussi d’une très belle manière, au moins jusqu’aux deux dernières saisons. House of the Dragon doit quant à elle résoudre un problème opposé, réussir à captiver son public sur quatre saisons avec un matériau source limité, une nouvelle de moins de cent pages intitulée « La princesse et la Reine ».
Adapter un tel matériel de base présente certains défis, mais aussi de nombreux avantages. Les personnages des factions opposées de la Maison Targaryen, les Noirs et les Verts, sont en grande partie des toiles vierges que la série peut définir selon ses propres termes, ce qui n’était pas possible pour des personnages de livres bien connus comme Jaime Lannister ou Jon Snow. Le seul problème pour faire de House of the Dragon une œuvre indépendante et réussie est la présence de George R.R. Martin dans le paysage d’HBO, qui vise à exploiter sa franchise autant que possible, avec à l’heure actuelle, six autres spin-offs en production.
Les tensions entre les deux factions Targaryen font rage et divisent le royaume. Chaque clan se prépare à la guerre et use de toutes les stratégies possibles pour affaiblir son ennemi afin de remporter la victoire.
Le principal problème de cette saison est sa narration. Étirer une nouvelle de 80 pages dans une série de quatre saisons affaiblit forcément le rythme de celle-ci. On se retrouve donc avec une saison de huit épisodes, contrairement aux douze de la première saison ; lents, mal rythmés et dans lesquels il ne se passe quasiment rien. Pire, elle pose beaucoup d’intrigues qui ne trouveront réponse que dans la suite, ce qui laisse un goût d’inachevé après le dernier épisode, presque comme s’il en manquait quelques-uns…
Comme le titre le suggère, les dragons représentent une grande partie de l’attrait de la série. Les effets visuels pour les dragons se révèlent toujours impressionnants, en particulier pendant les rares séquences de bataille. La deuxième saison a consacré une grande partie de son temps à la préparation de la future guerre. Notamment avec l’arrivée d’Hugh le Marteau (Kieran Bew), Ulf le Blanc (Tom Bennett) et Addam de Carène (Clinton Libery), tous trois nouveaux cavaliers de dragons venant en renfort à la prétendante Rhaenyra Targaryen. Il y a aussi un teasing en fin de saison pour un autre dragon.
House of the Dragon est inutilement enchaînée à son matériau source limité, en faisant du tout une épopée mal rythmée. Réaliser une série de cette ampleur prend du temps, mais on ne peut pas attendre des téléspectateurs qu’ils patientent des années pour une saison entière d’exposition
Ces personnages joueront tous des rôles importants dans le reste de la série. Il est difficile de vraiment affirmer que la deuxième saison les a bien introduits. Hugh et Ulf ont reçu peu d’attention pendant la première moitié de la saison, et sans faire beaucoup d’efforts pour définir leur personnalité avant le dernier épisode de la saison, où leur vulgarité de basse extraction a été apparemment accentuée pour les mettre en conflit direct avec le reste de la faction. Bien que la série ait un énorme casting, elle a passé toute la saison à garder ses personnages principaux dans un schéma de rétention bizarre, laissant des miettes pour les nouveaux personnages, également importants.
Un créateur de série pourrait considérer comme de très mauvaises idées de mettre Daemon Targaryen (Matt Smith) de côté à Harrenhal avec ses hallucinations pour toute une saison, de tuer un des personnages principaux dans l’épisode quatre de sa deuxième saison, ou encore de passer l’entièreté de la deuxième saison à poser les fondations de sa suite après avoir fait la même chose dans la première saison avec les deux factions Targaryen. La première saison avait douze épisodes. La deuxième saison n’en a que huit, un nombre mal adapté au casting encombrant et à la narration complexe de la série.
On ne peut nier que la série accomplit tout de même sa tâche en étant fascinante. Le retour à Westeros est plaisant, la présence de dragons, le mysticisme et le sentiment que tout cela est plus grand que les personnages eux-mêmes sont palpables. Il existe pourtant des personnages bien écrits, Jacaerys Velaryon et Daemon Targaryen, pour ne citer qu’eux. Mais malheureusement, tous ces petits points positifs sont ensevelis sous une trop grosse couche négative qui peut très vite devenir un frein au visionnage de cette saison.
House of the Dragon est inutilement enchaînée à son matériau source limité, en faisant du tout une épopée mal rythmée. Réaliser une série de cette ampleur prend du temps, mais on ne peut pas attendre des téléspectateurs qu’ils patientent des années pour une saison entière d’exposition alors que la plupart d’entre eux pourraient lire la nouvelle « La Princesse et la Reine » d’une traite pour avoir le même résultat à la fin.
CRÉATEUR : George R. R. Martin, Ryan J. Condal NATIONALITÉ : Américaine GENRE : Fantastique, Drame AVEC : Emma D'Arcy, Olivia Cooke, Matt Smith DURÉE : 8 x 60mn DISTRIBUTEUR : HBO (États-Unis) et OCS (France) SORTIE LE 17 juin 2024