Halloween Ends : le mal à jamais

La soixantaine passée, l’increvable Michael Myers continue de brandir son couteau dans les salles sombres. S’il n’a pas perdu de sa brutalité, le tueur au masque blanc doit désormais composer avec le seul ennemi qu’il ne peut vaincre de ses mains : le temps. Abîmé par l’âge, le croque-mitaine d’Haddonfield aiguise sa lame et se terre avec sa haine. Pendant ce temps, à la surface, la population gratte ses plaies au lieu de les panser : le mal, invisible et protéiforme, se propage. Une fois encore, le sang s’apprête à couler. Ultime volet de la trilogie réalisée par le cinéaste américain David Gordon Green, Halloween Ends fait figure de pari osé : à la fois conclusion audacieuse d’une franchise culte et prélude d’une nuit sans fin.

Quatre ans ont passé depuis la dernière apparition de Michael Myers. Pour Laurie Strode, qui vit désormais avec Allyson, sa petite-fille, l’heure n’est plus à la préparation d’un énième combat : après des années d’angoisse, elle tente de rassembler ses souvenirs dans un mémoire. La ville d’Haddonfield n’a pas non plus oublié la silhouette de l’homme masqué, associée pour toujours à Laurie. Après tant de violence, la colère est devenue contagieuse dans cette petite ville de l’Illinois. Le jeune Corey Cunningham en fait justement les frais : impliqué dans la mort accidentelle d’un enfant, il est depuis perçu comme un tueur. Une étiquette douloureuse, indélébile et destructrice. Les regards et les paroles l’isolent, non sans conséquence : au fond de lui, une rage attend d’exploser. Il a simplement besoin d’une allumette. Lorsqu’il croise la route de Laurie Strode et d’Allyson, une lueur apparaît : celle d’un espoir ou d’un grand brasier ? Non loin de là, Myers guette.

Indirectement inspiré par la pandémie, Halloween Ends gravite autour de l’idée d’une contagion morale.

Pour ce dernier tour de piste dans l’univers imaginé par John Carpenter, David Gordon Green scrute les conséquences du passage du tueur iconique dans la ville d’Haddonfield. Le récit d’une ville parasitée par le passé et d’une justice intime où la sentence s’exprime par la violence, physique ou psychologique. Dans le cas de Corey Cunningham, sa vérité sera toujours teintée de défiance : qu’il soit responsable ou non de la mort du petit importe peu, son identité est désormais intrinsèquement liée à cet évènement et au parfum du doute. La ville fait sienne la colère des parents endeuillés, acculant toujours plus le jeune homme. Avec Corey et Laurie, le film questionne la frontière entre victime et coupable : est-ce que Laurie, comme exprimé lors d’une altercation, est responsable du retour sanglant du tueur ? Indirectement inspiré par la pandémie, le scénario gravite autour de l’idée d’une contagion morale. Le sang n’appelle pas forcément le sang dans Halloween Ends, les monstres n’ont pas nécessairement de masque, mais ils partagent le goût pour la haine. Un terreau idéal pour celui qui incarne le mal à l’état pur, Michael Myers.

Présent en filigrane de ce dernier épisode, le tueur s’immisce dans les travers de la bourgade. Il est à la fois une figure absolue et le vestige d’une autre époque. Son silence continue d’amplifier son caractère mystérieux et horrifique. Plus qu’un homme mu par un viscéral désir de mort, il est l’incarnation du mal qui ronge lentement la société. Avec Corey, la lame de Myers se dédouble et le maître manque presque de se faire dépasser. Ce n’est pas foncièrement son héritage, mais seulement la perpétuation du mal. Et à Haddonfield, on n’échappe pas si facilement à son destin : victime ou coupable, mort ou vif. Une forme de déterminisme qu’Allyson souhaite rompre en faisant le choix de s’enfuir avec Corey, sans mesurer le pouvoir d’attraction de la haine.

Comme le dit si bien Laurie, le mal ne se contente pas d’un visage… Un Halloween a pris fin, combien d’autres restent à vivre ?

Progressif et assez simpliste en terme d’intrigue, Halloween Ends construit méthodiquement sa tension en faisant évoluer un triangle de personnages autour d’Allyson. Le suspense est globalement au rendez-vous, de même que les indispensables scènes de violence graphiques : le film joue clairement la carte de l’excès, et ça fonctionne. Dommage toutefois que l’ensemble souffre d’un certain manque d’originalité dans son déroulement et d’une dramaturgie peut-être trop contraignante. Un choix scénaristique qui risque de partager les fans de la série, d’autant plus que le combat final tant attendu ne semble pas avoir été la première préoccupation des scénaristes. Malgré ces quelques défauts, Halloween Ends reste un ultime volet intrigant, qui se démarque par son parti pris de l’étiquette de suite sans saveur. Comme le dit si bien Laurie, le mal ne se contente pas d’un visage… Un Halloween a pris fin, combien d’autres restent à vivre ?

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RÉALISATEUR : David Gordon Green
NATIONALITÉ : Américain
AVEC : Jamie Lee Curtis, Andi Matichak, Rohan Campbell
GENRE : Horreur
DURÉE : 1h50
DISTRIBUTEUR : Universal Pictures International France
SORTIE LE 12 octobre 2022